M. Chafiq qui vit en exil aux Emirats arabes unis, a annoncé mercredi son intention d'être candidat, pointant que le pays "fait face à beaucoup de problèmes".
"Le gouvernement a peur de n'importe quel candidat mais particulièrement de M. Chafiq (...) qui a bien plus d'expérience politique que M. Sissi lui-même n'en avait", avant son arrivée au pouvoir, explique à l'AFP Hassan Nafaa, professeur émérite de sciences politiques à l'Université du Caire.
Haut-gradé de l'aviation, M. Chafiq avait été nommé Premier ministre au cours des derniers jours au pouvoir de Hosni Moubarak, chassé par un soulèvement populaire en 2011 après 30 ans à la tête du pays.
Candidat à la présidentielle de 2012, il avait perdu de peu face à l'islamiste Mohamed Morsi. En 2013, M. Morsi était destitué par l'armée, alors dirigée par M. Sissi.
- 'Dénigrement' -
Selon M. Nafaa, M. Chafiq est redouté pour avoir été un ancien candidat sérieux à la présidentielle, un proche de la très importante institution militaire et un chef de gouvernement.
Mais "avec ou sans M. Chafiq, les élections ne seront pas véritables" car "le gouvernement veut à tout prix que M. Sissi accède à un second mandat", prévient-il.
Les candidats entreront officiellement en lice lors du lancement des procédures devant la commission électorale début 2018.
Les commentateurs prorégime ont eux critiqué immédiatement l'annonce de M. Chafiq.
Dans l'émission de télévision qu'il anime, le député Mostafa Bakry, l'a présenté comme le "candidat du 6 Avril (un mouvement révolutionnaire), des gauchistes révolutionnaires (...) et des Frères musulmans". Des gens qu'il accusent de "détester" l'Egypte et ses institutions.
Le parti de M. Chafiq, le Mouvement national égyptien, a dénoncé une "campagne de dénigrement féroce" depuis l'annonce de sa candidature.
L'opposition de gauche marque aussi ses distances avec l'ancien homme du sérail sous Moubarak.
"M. Chafiq ne présentera pas une politique radicalement différente du régime actuel", estime Elham Eidaous, responsable de la campagne du célèbre avocat et défenseur des droits de l'Homme Khaled Ali qui a lui aussi l'intention de se présenter à la présidentielle.
- Paysage politique verrouillé -
Elu en 2014 avec 96,9% des voix dans une élection sans opposant sérieux, le président Sissi, avait affirmé début novembre qu'il ne comptait pas briguer de troisième mandat en 2022, laissant toutefois la porte ouverte pour 2018.
Prenant soin de rester au-dessus de la mêlée politique, il pourrait toutefois être contraint de descendre davantage dans l'arène pour défendre son bilan face à des concurrents en campagne.
Accusé par les organisations de défense des droits de l'Homme d'innombrables violations, le régime de M. Sissi insiste pour sa part sur la priorité de la lutte contre le terrorisme et le redressement de l'économie, promis par le chef de l'Etat lors de sa campagne de 2014.
Mais durant son mandat, l'Egypte a subi de nombreuses attaques contre les forces de sécurité et les civils. Le 24 novembre, le pire attentat dans l'histoire récente du pays a fait plus de 300 morts dans une mosquée du Sinaï.
Sur le plan économique, la population souffre d'une inflation annuelle galopante évaluée à plus de 30% depuis la dévaluation l'année dernière de la monnaie nationale qui a perdu la moitié de sa valeur par rapport au dollar.
Dans ce contexte, "plusieurs couches de l'opinion publique considèrent que malgré tous ses aspects négatifs le régime de Moubarak était meilleur", observe pour l'AFP Mostafa Kamal el-Sayed, professeur de sciences politiques à l'Université du Caire.
Sous son pouvoir, "il y avait plus de sécurité dans le pays, l'économie fonctionnait mieux (...) et il y avait aussi plus de liberté d'expression", affirme-t-il.
Cette "nostalgie de l'époque Moubarak" représente, selon lui, un atout pour M. Chafiq.
Mais dans un paysage politique verrouillé, il "aura des difficultés à mener une bonne campagne électorale", souligne M. Sayed. Selon lui, il est peu probable que les groupes favorables à M. Moubarak quittent le camp Sissi.
"Dans le contexte politique actuel, je ne vois pas de possibilité d'une concurrence politique véritable", conclut Ashraf El Sherif, maître de conférence en sciences politiques à l'Université américaine du Caire.
(Avec AFP)