Un peu plus d'une heure après le vote, le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy a annoncé un recours devant la Cour constitutionnelle pour contester le texte, et la convocation, à cet effet, d'un Conseil des ministres extraordinaire dès mercredi.
"Je vais solliciter la suspension immédiate de cette initiative", a dit M. Rajoy lors d'une allocution télévisée s'inscrivant dans un plan réglé comme du papier à musique par les acteurs en présence: indépendantistes catalans et gouvernement.
Auparavant, 72 députés indépendantistes (sur 135) avaient adopté, à la mi-journée, le texte lançant le processus de création d'"un Etat catalan indépendant prenant la forme d'une République".
Ses partisans ont salué son adoption par des applaudissements, et des opposants l'ont accueilli debout, en silence, en déployant des drapeaux de l'Espagne et de la Catalogne.
Avec ce texte, "nous lançons solennellement la construction d'un nouvel Etat", avait plaidé auparavant Raul Romeva, tête de liste de la coalition indépendantiste Junts pel Si (Ensemble pour le oui), persuadé que "beaucoup de gens vivront cette journée avec beaucoup d'émotion".
"Après des années pendant lesquelles nous avons demandé le droit de décider, nous avons décidé de l'exercer", a ajouté l'élu lors de cette session retransmise intégralement par la chaîne publique d'informations TVE 24 horas.
Le Parlement de cette région au coeur de l'Europe méditerranéenne de 7,5 millions d'habitants, représentant 20% du PIB de l'Espagne, est issu d'un scrutin organisé le 27 septembre centré sur la question de la sécession.
Après des décennies de débats autour du degré d'autonomie de la plus riche région d'Espagne, dotée de sa langue et de larges attributions, les indépendantistes ont remporté ces élections avec une majorité de 72 sièges sur 135.
Ils n'ont pas obtenu la majorité absolue des voix (47,8%) mais estiment disposer d'un soutien suffisant pour lancer le processus d'indépendance, soit le "défi le plus important à la démocratie (espagnole) de ces 30 dernières années", a résumé l'élue du parti Ciudadanos, opposé à la sécession, Inès Arrimadas.
Le texte, une "rupture", selon Anna Gabriel du parti indépendantiste CUP (Candidature d'unité populaire, extrême gauche indépendantiste) indique que le Parlement est "détenteur de la souveraineté", et n'est plus "tributaire des décisions des institutions espagnoles, et en particulier de celles de la Cour constitutionnelle".
La résolution charge le Parlement de rédiger la nouvelle Constitution et prévoit le lancement, dans les trente jours, de travaux de mise en place d'une administration fiscale indépendante et d'une sécurité sociale.
Tensions croissantes
Le vote intervient alors que depuis 2011 les tensions sont croissantes entre l'exécutif du président catalan sortant Artur Mas et le gouvernement de Mariano Rajoy.
Le premier a réclamé sans succès un référendum d'autodétermination, poussé par une fièvre indépendantiste alimentée par la crise économique et un arrêt de la Cour constitutionnelle de 2010 ayant raboté les compétences propres de la région.
Le 9 novembre 2014, Artur Mas, nationaliste devenu séparatiste, a déjà passé outre un interdit de la Cour en organisant une consultation symbolique où 1,9 million de personnes s'étaient prononcées pour l'indépendance.
Le vote de lundi intervient à moins de deux mois des législatives du 20 décembre en Espagne, où la "question catalane" domine la campagne.
Mariano Rajoy, dont le Parti populaire (PP, droite) est en perte de vitesse, talonné par Ciudadanos (centre droit) et le Parti socialiste, a obtenu leur soutien sur le terrain de la défense de l'unité de l'Espagne.
Lundi matin, leurs élus ont plaidé avec fougue pour le maintien de la Catalogne en Espagne, évoquant pour certains un anniversaire européen: celui de la chute du mur de Berlin, un 9 novembre 1989, il y a 26 ans. "Nous n'allons pas vous permettre de construire un nouveau mur", a prévenu le député du PP Xabier Garcia Albiol.
Les indépendantistes ont un point faible qui pourrait bloquer leurs desseins: l'absence d'accord sur l'identité du futur président de la région, l'extrême gauche refusant le candidat de Junts pel Si, Artur Mas. Ils ont jusqu'au 9 janvier pour s'accorder, faute de quoi ils seraient contraints d'organiser de nouvelles élections.
Avec AFP