Au moins soixante personnes sont décédées ces dernières semaines, conséquences de combats entre groupes armés à Ngaoundaye (nord-ouest) et Kaga-Bandoro (centre) début juillet, Batangafo (nord-ouest) fin juillet, et autour d'Alindao (sud) et à Gambo (sud) début août, d'après des témoignages parvenus à l'AFP mardi.
A Gambo, au moins trois humanitaires de la Croix-Rouge centrafricaine et "plusieurs dizaines de personnes" ont été tués au centre de santé, selon le directeur de la Croix-Rouge centrafricaine Antoine Mbao Bogo.
"Le président local, le trésorier et plusieurs volontaires ont été tués. Je ne pas vous dire exactement le nombre. Beaucoup de gens de la Croix-Rouge ont été tués. Ca s'est passé au centre de santé, mes gens ont été tués là-bas", a déclaré à l'AFP le président de la Croix-Rouge centrafricaine.
"Généralement, c'est la Croix-Rouge qui donne le bilan car nous inhumons les cadavres. Mais quand on tue les gens de la Croix-Rouge, il ne reste plus personne pour le faire", a-t-il ajouté, tandis que les circonstances des violences dans la ville restent floues.
Contactée par l'AFP, la Mission des Nations Unies en Centrafrique (Minusca) a déclaré ne pas avoir été présente lors des combats à Gambo, mais être "passée" plus tard, dans le cadre d'une patrouille.
Gambo se trouve à 70km de Bangassou, ville à 470 km au sud-est de Bangui où neuf Casques bleus ont été tués depuis début mai.
A Batangafo, un décompte de l'agence humanitaire des Nations unies (Ocha) mardi faisait état de "24 décès", dans des combats entre le 29 et le 2 août.
Ocha dénombre aussi "une dizaine" de morts dans un village à sept km d'Alindao (sud) après des affrontements entre groupes armés survenus le 4 août.
D'autres combats à Ngaoundaye, à la frontière avec le Cameroun et le Tchad, ont par ailleurs fait au moins une dizaine de morts, entre le 7 et le 10 juillet, a appris l'AFP mardi de sources concordantes.
Au moins quinze personnes avaient perdu la vie à Kaga-Bandoro le 1er juillet.
-"signes de génocide"-
Les combats confrontent généralement des groupes armés, issus du conflit opposant l'ex-Séléka et les anti-Balaka, désormais implantés localement et combattant pour le contrôle des ressources naturelles du pays (or, diamants...) et de zones d'influence.
Il est difficile d'établir si les victimes sont des miliciens ou des civils dans un pays où l'Etat et l'armée sont pratiquement absents en dehors de la capitale Bangui.
"Les signes avant-coureurs de génocide sont là", a déclaré lundi le secrétaire général adjoint de l'ONU pour les Affaires humanitaires, Stephen O'Brien, rendant compte au siège des Nations unies à New York d'un récent voyage en Centrafrique.
"Nous devons agir maintenant, ne pas réduire l'effort de l'ONU et prier pour ne pas avoir à vivre en le regrettant", a-t-il dit.
M. O'Brien a souhaité renforcer les forces de la Minusca, afin qu'elle puisse vraiment protéger les civils conformément à leur mandat.
La semaine dernière, le secrétaire général adjoint de l'ONU chargé des opérations de paix, le Français Jean-Pierre Lacroix, avait indiqué qu'il envisageait de demander au Conseil de sécurité davantages de troupes pour la Minusca.
Les Nations unies ont déployé quelque 12.500 militaires et policiers en Centrafrique, pays de 4,5 millions d'habitants, pour aider à protéger les civils et soutenir le gouvernement du président Faustin-Archange Touadera, élu en janvier 2016.
Le pays peine à se relever du conflit entamé en 2013 avec le renversement de l'ex-président François Bozizé par les Séléka, entraînant la contre-offensive des anti-Balaka.
La Centrafrique compte un demi-million de réfugiés et presqu'autant de déplacés. "Une rechute dans une crise humanitaire de grande ampleur est imminente", a jugé Stephen O'Brien.
La France a mis fin en octobre 2016 à son opération militaire Sangaris, déployée en décembre 2013 et qui avait arrêté les massacres à grande échelle, stabilisant pour un temps le pays. En intervenant, Paris voulait à l'époque éviter un "génocide", avait indiqué à l'AFP une source diplomatique française.
Avec AFP