Les témoignages de la population et la signature des opérations récentes menées par ces jeunes musulmans radicaux, qui ont décapité certaines de leurs victimes, suggèrent l'émergence d'un nouveau front jihadiste en Afrique.
Quand sont-ils apparus ?
Ces islamistes ont fait irruption le 5 octobre en prenant d'assaut le commissariat et la caserne de Mocimboa da Praia, à moins de 100 km de la frontière avec la Tanzanie.
Deux jours de violents combats ont été nécessaires pour les chasser de cette ville de 40.000 habitants.
La riposte musclée des autorités - plus de 300 arrestations, une mosquée détruite et d'autres fermées - a contraint le groupe à se réfugier dans les forêts des environs. Ils n'en sortent que pour des raids meurtriers dans les villages.
Depuis un mois, leurs attaques se sont nettement intensifiées.
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Qui sont-ils ?
Le groupe est apparu dans la province du Cabo Delgado, à majorité musulmane, en 2014.
Ses membres se sont fait connaître sous le nom de "Ahlu Sunnah Wal Jamaa" ("les adeptes de la tradition du prophète" en arabe), mais la population les désigne comme les "shabab" ("jeunes").
Les riverains évoquent des jeunes partis "étudier" à l'étranger, en Tanzanie ou en Somalie, et revenus au pays en promouvant une version stricte de l'islam. Ils ont retiré leurs enfants de l'école publique et contraint leurs filles à porter le voile.
"Ce sont des jeunes socialement marginalisés, sans emploi formel, sans éducation solide", expliquent Sheik Habibe Saide, Joao Pereira et Salvador Forquilha, de l'université de Maputo, qui ont enquêté sur place ces derniers mois.
Ces "locaux" ont été rejoints "par de jeunes immigrés en quête d'opportunités", des "chefs religieux éduqués à l'étranger" et des "marchands locaux", ajoutent les universitaires.
Ils se différencient des musulmans orthodoxes de la province en arborant turban blanc, tête rasée et barbe fournie.
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Que veulent-ils ?
C'est le grand point d'interrogation. Aucune de leur attaque n'a fait l'objet de revendication ni d'exigences "politiques".
Pour cette raison, les autorités les désignent comme de simples "bandits". "Ils commettent des crimes de droit commun (...), nous n'appelons pas ça du terrorisme", a résumé le porte-parole national de la police, Inacio Dina.
Pour les trois chercheurs de l'université de Maputo, les origines de leur radicalisation sont à rechercher dans leurs "conditions sociales modestes" et leur "exclusion politique".
La plupart font partie de l'ethnie Kimwani, alors que le président Filipe Nyusi et de nombreux responsables politiques ou militaires du pays appartiennent à la tribu Maconde.
Leur seule ambition affichée semble "d'imposer la Charia, ce qui est parfaitement en ligne avec leurs attaques répétées contre les structures du gouvernement", ajoute Nick Piper, directeur du cabinet de conseil Signal Risk.
Comment sont-ils organisés ?
Impossible pour l'heure de déterminer leur nombre, qui oscille selon les évaluations de quelques centaines à plus d'un millier.
Le groupe est divisé en cellules dirigées par un chef religieux et dotées d'une large autonomie. Il existerait une centaine de ces unités, selon les trois chercheurs universitaires.
"La région de Kibiti, en Tanzanie, abrite des cellules dormantes qui opèrent au Mozambique", précise Joao Pereira.
Même si le gouvernement de Maputo l'a démenti, les "shabab" mozambicains entretiennent des liens avec la mouvance jihadiste, non seulement avec le groupe somalien du même nom mais aussi en Tanzanie, au Kenya ou dans la région des Grands Lacs, notent la plupart des analystes.
Selon eux, certains s'entraînent dans leurs camps à l'étranger.
Leur financement provient de ces mêmes alliés étrangers mais surtout d'activités locales, notamment "du crime organisé impliqué dans le commerce illégal" de pierres précieuses, de bois et de drogue, précise Alex Vine, du centre de réflexion britannique Chatham House.
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Sont-ils une réelle menace ?
Les activités des "shabab" menacent le "hub" gazier de Palma. D'énormes réserves offshore y ont été découvertes et des compagnies étrangères, comme l'Américaine Anadarko ou l'Italienne Eni, y ont installées leurs têtes de pont.
Face à la recrudescence des attaques, Anadarko a évacué la semaine dernière ses employés étrangers et les Etats-Unis ont recommandé à leurs ressortissants d'éviter le secteur.
"Ces attaques peuvent impacter la logistique (...) mais comme l'exploration a lieu au large, la menace restera limitée", estime Joao Peirera, "cela va toutefois faire grimper le coût total des investissements à cause de la sécurité".
Après la nouvelle vague d'attaques, la police a promis de tout faire pour mettre ses auteurs hors d'état de nuire.
Mais la réponse répressive ne suffira pas à enrayer les attaques. "Il faudra aussi plus d'éducation, plus d'emplois et une meilleure intégration des jeunes musulmans", prévient Sheik Habibe Said.
Avec AFP