La sanction est moins lourde que le 15 janvier dernier, quand l’accord de retrait avait été balayé par 432 voix contre 202, mais elle laisse la Grande-Bretagne dans la plus profonde incertitude sur l’issue d’un processus amorcé par le référendum du 23 juin 2016.
“Si ce vote n’est pas acquis ce soir, si cet accord n’est pas entériné ce soir, alors cela pourrait en être fini du Brexit”, avait pourtant prévenu la Première ministre britannique, s’exprimant d’une voix cassée lors des débats préalables au vote.
Mais les députés pro-Brexit de son Parti conservateur, regroupés au sein de l’ERG (European Research Group), de même que les unionistes nord-irlandais du DUP, dont dépend la majorité parlementaire du gouvernement, avaient annoncé qu’ils voteraient contre le plan amendé qu’elle leur a présenté à la suite de sa rencontre lundi soir à Strasbourg avec Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne.
Cette entrevue de la dernière heure avait permis aux deux dirigeants d’annoncer qu’un accord avait été trouvé pour éviter le rétablissement d’une frontière physique entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord. Ce filet de sécurité (backstop) est assorti de la promesse faite par les Européens de ne pas chercher à maintenir indéfiniment le Royaume-Uni dans une union douanière.
Il n’a pas suffi à rallier les Eurosceptiques du camp gouvernemental.
LES “PROFONDS REGRETS” DE MAY
Quant au Parti travailliste, son chef de file, Jeremy Corbyn, avait estimé dans la journée que les assurances obtenues à Strasbourg ne contenaient “rien qui s’approche des changements promis par Theresa May au Parlement”.
A l’annonce du résultat du vote de mardi soir, il a estimé que l’accord proposé par le gouvernement était “à l’évidence mort” et a estimé que l’heure était à des élections générales.
A l’annonce de son nouvel échec, Theresa May, la voix cassée, a dit “regretter profondément” la décision prise par les parlementaires, assurant une nouvelle fois qu’elle était convaincue que cet accord est le meilleur possible.
La dirigeante conservatrice a réaffirmé sa volonté, exposée fin février, d’organiser deux nouveaux votes, le premier dès mercredi sur l’opportunité de quitter l’UE sans accord à la date prévue du 29 mars. Elle a précisé au passage qu’il n’y aurait pas de consigne de vote de la part du gouvernement.
John Bercow, le président conservateur de la Chambre des communes, a précisé que le vote aurait lieu comme ce mardi aux alentours de 19h00 GMT.
Si, comme on s’y attend, les députés rejettent la perspective d’un ‘No Deal’, qui effraie les milieux d’affaires de la cinquième puissance économique mondiale, un troisième vote aura lieu jeudi sur un report “court et limité” de la date du Brexit.
“Je serai claire: voter contre une sortie sans accord et pour une extension ne réglera pas les problèmes auxquels nous sommes confrontés”, a souligné Theresa May mardi soir. “L’UE voudra savoir quel usage nous voulons faire d’une telle prolongation. Cette assemblée aura à répondre à cette question.”
“IL N’Y AURA PAS DE TROISIÈME CHANCE”
L’UE a également prévenu qu’il n’y aurait pas d’autres changements ou aménagements à l’accord de retrait difficilement négocié entre Londres et Bruxelles et entériné fin novembre par les chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-Sept.
“Il n’y aura pas de troisième chance, pas d’interprétation sur les interprétations, pas d’assurance sur les assurances si le ‘vote significatif’ de demain (mardi) échoue”, a averti Jean-Claude Juncker lundi soir.
Michel Barnier, le négociateur en chef des Européens, a déclaré que les préparatifs en vue d’un “no deal” étaient désormais plus importants que jamais. “L’UE a fait tout ce qu’elle pouvait pour aider à faire adopter l’Accord de retrait. L’impasse ne peut être réglée qu’au Royaume-Uni. Nos préparatifs en vue d’un ‘no deal’ sont désormais plus importants que jamais”, a-t-il écrit sur Twitter.
En juin 2016, les Britanniques ont voté à un peu moins de 52% en faveur d’une sortie de l’Union européenne au terme d’une campagne référendaire qui a brisé les équilibres internes des principaux partis politiques mais aussi exposé les profondes divisions de la société britannique.
Nombre de Britanniques, près de trois ans après ce vote, redoutent que le Brexit accentue davantage encore les divisions de l’Occident, déjà fragilisé par la présidence atypique de Donald Trump, face à l’influence croissante de la Chine et de la Russie. Ils s’inquiètent aussi pour l’avenir économique et sécuritaire de leur pays.
A l’inverse, les partisans du divorce maintiennent qu’une sortie de l’UE est indispensable pour que le Royaume-Uni reprenne le contrôle de l’immigration et profite pleinement de la mondialisation en retrouvant la maîtrise de sa politique commerciale.
Avec Reuters