L’image est la dernière que les habitants de la capitale congolaise (à l’époque zaïroise) auront gardée de celui qui dirigeait le pays en dictateur depuis 32 ans. Plus d’acclamations, plus de danses et plus de louange à Seke Seko, "l’éternel président" auquel était quasiment voué un culte au fort de la dictature, jusqu'à la fin des années 80.
Le 16 mai 1997, M. Mobutu quittait Kinshasa pour ne plus jamais y revenir après l’échec des négociations avec la rébellion, l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL) dirigée par Laurent Désiré Kabila.
Le "Léopard", comme était appelé le président zaïrois, était affaibli par la maladie depuis quelques années. Son régime s’effondrait comme un château de carte.
Laurent Désiré Kabila, le leader rebelle ne s’était pas d’ailleurs attardé à s’autoproclamer, dès le lendemain depuis Lubumbashi la deuxième ville du pays, nouveau Chef de l’Etat. Les rebelles appelés "Kadogo", enfants soldats encadrés par l’armée rwandaise avaient déjà quadrillé Kinshasa comme les autres villes du pays mais avaient tout de même laissé décoller l’avion de M. Mobutu.
Le Zaïre a retrouvé donc son nom de l’indépendance, le Congo, mais est plutôt devenu la République démocratique du Congo. Il a aussi retrouvé ses insignes, drapeau et armoiries, et hymne de l’indépendance.
Le nouveau pouvoir s’est donné pour mission d’effacer les affres de la dictature. Mais il est plutôt quasiment resté sur lancée.
M. Mobutu avait en effet déjà, sous la pression de l’opposition menée depuis le début des années 80 par Etienne Tshiskedi, cédé à un semblant de début de démocratisation.
Dès le 24 avril 1990, au bout de longues consultations populaires, M. Mobutu avait officiellement décrété la fin du monolithisme, ouvrant la porte au multipartisme avec plusieurs mouvements syndicaux.
Le processus était lent à se mettre en marche. La conférence nationale souveraine tenue de 1990 à 1992, ponctuée des manifestations violentes, a permis la mise sur pieds d’une transition qui durera jusqu’au renversement du régime. Mais le pays aura entre-temps été secoué par des troubles. A l’interne, avec de longs mouvements de grèves et autres manifestations de l’opposition et de l’extérieur : l’invasion des millions de réfugiés rwandais fuyant le génocide qui plus tard sera suivie par l’entrée au Zaïre (Congo) de l'armée rwandaise en soutien aux rebelles congolais.
Les Rwandais n’étaient pas les seuls, les armées de l’Ouganda, du Burundi, de l’Angola et même plus tard sur invitation de Laurent Kabila, du Zimbabwe, seront impliquées dans cette guerre avec des mercenaires érythréens, sud-africains et autres.
L’implication dans cette guerre, sur invitation de Laurent Kabila, de plus de neuf pays de la région permettait au nouvel homme fort de se mettre à l’abri pour une courte période, après dans sa tentative de rompre avec l’"hégémonie" du Rwanda et de l’Ouganda, qui comptaient parmi ses principaux parrains.
Le parapluie ne tiendra que pour peu de temps car dès le 17 janvier 2001, Laurent Kabila est abattu dans son fauteuil par un de ses proches gardes du corps.
Laurent Kabila est, quelques jours plus tard, remplacé par son fils Joseph Kabila, à l’époque chef d’Etat-major adjoint de l’armée congolaise et âgé à peine de 29 ans.
Le plus jeune président au monde à l’époque, négociera avec les différentes factions rebelles qui avaient éclaté et formera un gouvernement de transition.
Les premières élections démocratiques sont organisées en 2006. Joseph Kabila les remporte. Tout comme en 2011.
Son mandat s’est achevé en 2016 mais il reste au pouvoir faute d'avoir tenu des élections.
Vingt ans jour pour jour après la chute de Mobutu, dans les rues de Kinshasa, à Lubumbashi tout comme dans les autres villes du pays, beaucoup ont l’impression de revivre l’histoire après autant d’années.
"C’est l’atmosphère de la fin d’un régime", estime un habitant de Kinshasa. "Le peuple veut vivre un changement, une passation de pouvoir mais il y a de la résistance", s’exclame un autre.
Les Congolais vivent dans une crise économique aiguë avec une dépréciation continue de leur monnaie.
La situation rappelle les dernières heures de Mobutu qui est pourtant mort le 7 septembre 1997 à Rabat, au Maroc, quatre mois après l’effondrement de son régime.