Située à 30 km d'Abidjan, la cité centenaire, classée au Patrimoine mondial de l'Unesco, a été la cible d'une attaque jihadiste le 13 mars 2016, qui avait fait 19 morts, dont des ressortissants européens. Une catastrophe pour l'économie de cette ville de 100.000 habitants, première destination touristique de Côte d'Ivoire.
"C'est un souvenir difficile, notre ville paisible s'était transformée en champ de bataille, chacun fuyait pour se protéger des balles des jihadistes. Chaque fois que nous passons, le souvenir est présent", témoigne auprès de l'AFP le sénateur de Bassam, Germain Ollo.
"Un simple bruit de pétard lors des anniversaires célébrés sur la plage me fait fuir", raconte Barakissa Koïta, une marchande de cacahuètes, témoin de l'attaque.
Lorsque arrive le week-end, les plages, les maquis (bars-restaurants populaires) et les hôtels de Grand-Bassam attirent de nouveau des milliers de personnes plus ou moins fortunées, la plupart venant de la métropole abidjanaise de cinq millions d'habitants.
Outre les plages, les visiteurs viennent surtout au quartier "France", bordé par l'océan Atlantique, la lagune et l'embouchure du fleuve Comoé, l'ancienne ville coloniale où subsistent des bâtiments comme le palais de justice, édifié en 1893, le premier cinéma, le premier bureau de poste et le palais du gouverneur. Mais beaucoup tombent en ruines, faute de rénovation, offrant le spectacle d'une splendeur évanouie.
Depuis cinq ans, Grand-Bassam a connu d'autres avanies qui ont affecté son économie: d'importantes violences électorales lors des municipales de 2018, d'énormes inondations en 2019, et la fermeture des plages et des commerces pendant deux mois l'an dernier pour cause de coronavirus, bien que ses effets en Côte d'Ivoire soient limités selon les chiffres officiels (256 morts pour près de 45.000 cas).
"Plan Marshall"
Le festival de l'Abissa, un des événements touristiques majeurs de Côte d'Ivoire, qui attirait auparavant 300.000 à 400.000 touristes en une semaine et qui générait de grosses retombées financières pour la ville, a beaucoup pâti de ces événements.
Pour les hôteliers et les restaurateurs, le coronavirus est perçu aujourd'hui comme le "nouvel ennemi" qui menace la cité touristique.
Selon le sénateur Germain Ollo, propriétaire d'un des plus importants complexes hôteliers de la ville, les conséquences économiques de la pandémie sont encore plus fortes que celles de l'attentat de 2016. Il estime que le chiffre d'affaires du secteur a baissé de plus de 20% en 2020, deux fois plus que l'année de l'attentat.
La situation est devenue si préoccupante que le président du Syndicat des hôteliers et restaurateurs de Bassam, Alassane Ouattara, appelle à "un plan Marshall pour sauver Grand-Bassam".
"Car les banques ne prêtent plus à ceux qui veulent investir dans l'hôtellerie", dont les infrastructures sont vieillissantes, se désole M. Ouattara, directeur du Wharf-Hotel.
Il déplore également l'abandon du patrimoine historique, unique dans le pays. "Son patrimoine est en train de mourir, alors que Bassam est une chance pour la Côte d'Ivoire. Il ne faut pas l'abandonner. Car si le tourisme meurt, il n'existera plus de Grand-Bassam".
Pour contrer la déprime, M. Ouattara évoque son nouveau projet : construire une stèle à la mémoire du fondateur des mourides, une des deux plus importantes confréries musulmanes du Sénégal, Cheikh Ahmadou Bamba.
"Lors de sa déportation au Gabon par les Français (1895-1902), il avait accosté ici, à Grand-Bassam, où il avait prié", explique M. Ouattara, lui-même mouride, montrant le quai qui servait de port à l'époque, englouti en partie par la mer.
Un petit "Magal" (pèlerinage) mouride draine chaque année des dizaines de milliers de personnes à Grand-Bassam, un atout touristique que M. Ouattara espère mieux exploiter.