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Les mineurs sud-africains demandent toujours justice cinq ans après le massacre de Marikana


Des milliers de mineurs manifestent dans la plaine aride de Marikana, Afrique du Sud, 24 juin 2014.
Des milliers de mineurs manifestent dans la plaine aride de Marikana, Afrique du Sud, 24 juin 2014.

Des milliers de mineurs chantent dans la plaine aride de Marikana, là où la police sud-africaine a tué 36 de leurs camarades le 16 août 2012. Cinq ans plus tard, ils réclament toujours justice pour la pire fusillade policière depuis la fin de l'apartheid.

"C'est une honte. Pas un seul cent n'a encore été versé" aux victimes, lance mercredi leur avocat, Dali Mpofu, devant la foule réunie près de la gigantesque mine de platine de Marikana (nord).

En mars, les autorités sud-africaines avaient pourtant annoncé 1 milliard de rands (63 millions d'euros) de compensations aux familles de victimes.

"Notre gouvernement continue de nous torturer" en ne tenant pas ses promesses, affirme Dali Mpofu sur une estrade habillée de noir - la couleur du deuil - et de vert, devenu le symbole de la lutte des mineurs de Marikana.

Il y a cinq ans jour pour jour, une foule de grévistes armés de machettes et de lances se rassemble face à la police sur des "koppies", les collines de Marikana. Ils réclament de meilleurs salaires et des logements décents.

Après plusieurs heures de tension, les forces de l'ordre ouvrent le feu. La principale fusillade est filmée par les caméras du monde entier. Plusieurs hommes tombent. Et à l'abri des regards cette fois, la police pourchasse d'autres mineurs et en abat plusieurs de balles tirées dans le dos.

"Ces gars sont morts comme des mouches", témoigne Morris Siyimba, un mineur assis avec des centaines d'autres sur les rochers ocres parés de vert. "Le gouvernement n'a rien fait depuis. Justice n'a pas été rendue", s'indigne-t-il auprès de l'AFP.

Le ministre de la Police de l'époque Nathi Mthethwa est toujours dans le gouvernement de Jacob Zuma, au portefeuille de la Culture. La chef de la police en 2012, Riah Phiyega, "a échappé à toute punition", constate le principal parti sud-africain d'opposition, l'Alliance démocratique (DA).

- Zéro poursuite -

"Aucune personne n'a été poursuivie", s'époumone à la tribune Joseph Mathunjwa, à la tête de l'Association du syndicat des mineurs (AMCU).

Le gouvernement n'a pas dépêché de représentant à la commémoration du cinquième anniversaire du massacre. Trop risqué sans doute.

"Ceux qui sont au pouvoir veulent qu'on oublie que les policiers se sont déchaînés contre des mineurs innocents", lance Julius Malema, le chef du parti de gauche radicale des Combattants de la liberté économique (EFF).

"Il n'y a pas de différence entre le 16 août 2012 et le 16 juin" 1976, quand la police du régime raciste blanc de l'époque avait ouvert le feu et tué des lycéens dans le township de Soweto, un tournant dans la lutte contre l'apartheid qui a officiellement pris fin avec l'élection de Nelson Mandela en 1994, affirme-t-il sous les applaudissements.

Ben Magara, le président de Lonmin, le groupe britannique qui exploite Marikana, a aussi fait le déplacement à Marikana.

"Aussi triste et tragique que fut 2012, nous devons nous assurer que ce soit un catalyseur pour un changement positif", lance-t-il au micro.

Après la grève, Lonmin a sensiblement augmenté les salaires, reconnaissent les mineurs interrogés mercredi par l'AFP. Le groupe s'est aussi engagé dans un programme de logements.

Mais le compte est loin d'y être, selon les ONG et de nombreux mineurs qui vivent encore dans des cabanes de tôle sans eau ni électricité.

Lonmin, qui emploie directement 24.000 personnes à Marikana, loge quelque 3.200 mineurs dans des habitations rénovées.

La cérémonie se termine avec la lecture de la longue liste des victimes de la fusillade. Des bougies sont allumées en leur mémoire, avant que les familles des victimes ne partent en pèlerinage vers les koppies, sous un soleil lui aussi en deuil, caché derrière les nuages.

Avec AFP

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