Des emplois et des conditions de vies décentes: à quelques jours de la présidentielle de dimanche au Congo où le président Sassou Nguesso brigue un nouveau mandat, ce sont les revendications qui montent de quartiers déshérités du sud de Brazzaville.
Dans les communes de Makelekele et Bacongo, réputées acquises à l'opposition, les habitants jugent sévèrement le bilan économique et social du chef de l'Etat, qui cumule plus de 32 ans à la tête du pays.
"Il n'y a pas de travail, c'est la merde", résume Eric, 31 ans, licencié en administration publique en train de discuter avec des amis à la terrasse d'un "nganda" (troquet). Faute de trouver un emploi, il dit enchaîner les petits boulots dans la restauration, quand ils se présentent, mais "rien de stable".
"Mes parents sont fatigués, à la retraite", poursuit-il, laissant entendre qu'il est difficile de compter sur leur soutien financier. "J'ai une femme mais j'attends (des jours meilleurs) pour avoir des enfants", ajoute le jeune homme.
Le cas d'Eric est loin d'être isolé. En dépit d'une croissance économique "robuste ces dernières années", le Congo-Brazzaville - dont l'Etat tire l'essentiel de ses recettes de l'exploitation pétrolière et forestière - "continue d'accuser des taux élevés de pauvreté et d'inégalité, d'énormes déficit d'infrastructures et d'importants problèmes de développement", pointe la dernière étude annuelle du Fonds monétaire international (FMI) sur l'économie congolaise, publiée en juillet 2015.
Selon le FMI, le taux de chômage avoisinait 34% en 2013 (derniers chiffres disponibles) mais montait à 60% pour les 15-24 ans. Le Fonds redoute "des tensions et de l'instabilité" en l'absence de progrès dans la lutte contre la pauvreté.
"On est vraiment déçu de ce qui se passe au Congo", dit Yette, étudiante de 20 ans, "la majorité des jeunes ont des diplômes mais ils ne travaillent pas".
Les autorités le reconnaissent. Dans son programme, Sassou Nguesso vante le niveau d'études global des Congolais, signe des efforts des autorités dans le domaine de l'éducation, mais constate que "60% des diplômés sans emploi sortent" de l'unique université publique de ce pays d'environ 4,4 millions d'habitants.
"Il faut un changement"
Lors de la présidentielle de 2009, le chef de l'Etat sortant avait promis à ses concitoyens un "Chemin d'avenir", qui passait par la "modernisation" et "l'industrialisation" du pays.
"Sept ans n'ont pas été suffisants pour l'opérationnalisation intégrale de chacune (des) solutions" proposées alors, "d'où la nécessité de poursuivre la modernisation et l'industrialisation du pays", peut-on lire dans le nouveau programme, qui propose désormais "une marche accélérée vers le développement".
La candidature de M. Nguesso a été rendue possible par l'adoption d'une nouvelle Constitution entrée en vigueur en novembre après son adoption le mois précédent lors d'un référendum qualifié de "coup d'Etat constitutionnel" par l'opposition, qui l'a boycotté et en a rejeté les résultats. La nouvelle loi fondamentale a fait sauter les deux verrous qui empêchaient Sassou Nguesso, né en 1943 et atteignant la limite d'âge, de se représenter, et a réduit la durée du mandat présidentiel de sept à cinq ans.
"Oui, l'industrialisation du pays est possible en cinq ans", proclame un calicot pro-Sassou accroché sur un rond-point.
Le chef de l'Etat "n'a rien fait en 32 ans, ce n'est pas en cinq ans qu'il fera quelque chose", tranche avec un sourire désabusé un quinquagénaire. Eric, lui, regrette que "pour beaucoup de jeunes, il n'y (ait) pas d'espoir. Ce qui leur reste, c'est la boisson, la cigarette, le chanvre".
Difficile à Bacongo et Makelkele de trouver des habitants acceptant de témoigner de leurs conditions de vie devant une caméra. "Il n'y a pas de démocratie" au Congo, affirment de nombreux passants.
Une rue boueuse aligne une succession de cratères inondés après les pluies violentes de la nuit précédente, qui ont charrié des monceaux d'immondices. Les riverains se plaignent du manque d'électricité, de "l'eau sale" ou de l'eau qui "ne coule pas au robinet", de la difficulté à joindre les deux bouts.
Eudes Makoundou, diplômé de 43 ans devenu menuisier faute de mieux, n'a pas d'appréhension à s'exprimer publiquement. "Pour le prochain président ce que nous attendons c'est l'amélioration du niveau de vie des Congolais, que ça soit en matière d'éducation, d'emploi, dit-il, vraiment, il faut qu'il y ait un changement".
AFP