Deux jours après la manifestation qui a rassemblé mardi à Bruxelles quelque 60.000 personnes opposées à un projet de "loi travail" renforçant la flexibilité, le trafic ferroviaire était à l'arrêt jeudi en Wallonie (sud de la Belgique), où les cheminots ont débrayé spontanément pour protester contre la suppression de jours de récupération décidée par leur employeur, la SNCB.
Le mouvement était en revanche moins suivi en Flandre (nord), selon la Société nationale des chemins de fer belge.
Une réunion entre les syndicats et la direction du rail belge s'est achevée sans accord et la grève est reconduite au moins jusqu'à une nouvelle séance de négociations prévue vendredi en fin de matinée, ont indiqué les syndicats francophones, alors que leurs homologues flamands ne soutiennent pas l'arrêt de travail.
La fracture entre syndicats francophones et flamands, qui sont pourtant en principe unitaires, se marque également dans le conflit des prisons.
Depuis plus d'un mois, les agents pénitentiaires de Wallonie et de Bruxelles ont cessé le travail pour réclamer des moyens financiers et en personnel supplémentaires, tandis que leurs collègues de Flandre ont accepté le plan de "rationalisation" --dit "Travailler autrement"-- défendu par le ministre de la Justice, Koen Geens.
Ce dernier a fait mercredi de nouvelles propositions, en promettant notamment l'engagement de 480 personnes et en poursuivant les efforts contre la surpopulation pénale.
Le personnel des prisons se prononcera lundi sur le protocole d'accord, mais celui de la prison de bruxelloise de Saint-Gilles l'a déjà rejeté lors d'une vote qui n'a toutefois pas atteint le quorum requis pour être validé et qui sera renouvelé dans les prochains jours, selon des sources syndicales.
A ces grèves sectorielles, il faut ajouter la contestation plus générale de la politique du gouvernement de droite, arrivé au pouvoir en octobre 2014 et qui, selon les partis d'opposition de gauche et les syndicats, met à mal le modèle belge de concertation entre représentants du patronat et des salariés.
Plusieurs grèves avaient rythmé l'automne 2014 après une manifestation géante à Bruxelles, à laquelle 120.000 personnes avaient participé, du jamais vu en plusieurs décennies en Belgique.
- 'Faire tomber le gouvernement' -
Dès son arrivée au pouvoir, le gouvernement avait hérissé les partenaires sociaux avec des mesures comme le gel temporaire des salaires ou le report de 65 à 67 de l'âge de la retraite à l'horizon 2030, contre lesquelles les syndicats annoncent une série d'actions (grèves générales, manifestations...) jusqu'à l'automne prochain.
La prochaine journée d'actions, le 31 mai, devait être se traduire par une manifestation des services publics couplée à une grève des cheminots. Mais elle pourrait prendre une plus grande ampleur, à la fois en terme de secteurs touchés et de durée.
La branche wallonne du syndicat socialiste de la fonction publique CGSP a appelé jeudi "l'ensemble des secteurs" du service public en Wallonie à "entrer en actions continues" à partir du 31 mai.
"Le mot d'ordre est clair: il faut faire tomber ce gouvernement", a indiqué dans un communiqué la CGSP wallonne.
Son pendant flamand, Acod, a toutefois déploré une "initiative prise en solo". "Nous n'appelons en aucun cas à la grève", a fait savoir le patron du syndicat néerlandophone, Guido Rasschaert, cité par l'agence Belga.
La Belgique est dirigée par une coalition de quatre partis de droite, trois néerlandophones (dont le parti nationaliste flamand N-VA) et un francophone, la formation libérale Mouvement réformateur (MR) de Charles Michel.
Interpellé jeudi après-midi devant la Chambre des députés par les partis d'opposition, le Premier ministre a dénoncé la "désinformation" visant selon lui l'action de son gouvernement. "Nous allons continuer à prendre des décisions, réformer et agir", a-t-il lancé.
La grogne sociale en Belgique survient au moment où la France voisine est également en proie à un durcissement du mouvement de contestation des opposants à la réforme du travail.
Avec AFP