Si le Nigeria n'enregistre pour l'heure que deux cas confirmés de coronavirus, la première économie d'Afrique, largement dépendante du pétrole, pourrait bien subir de plein fouet les effets de l'épidémie mondiale en 2020.
La ministre des Finances du principal producteur d'or noir du continent a annoncé lundi que le gouvernement allait revoir son budget à la baisse dans un contexte de chute brutale des cours mondiaux du baril.
"Il est très clair que nous devrons revoir le prix de référence du pétrole brut que nous avons établi à 57 dollars le baril", a déclaré Zainab Ahmed. "La conséquence, c'est qu'il y aura une baisse des revenus dans le budget, ce qui signifie une réduction de la taille du budget".
Reste à savoir d'où proviendront les économies, alors que le gouvernement a adopté pour cette année un budget record de 34,6 milliards de dollars.
Le président Muhammadu Buhari a formé un comité qui doit lui présenter un rapport dès mercredi pour limiter au plus vite les retombées économiques négatives - mais la marge de manoeuvre sera sans doute étroite.
Le Nigeria avait déjà du mal à voir sa croissance repartir après avoir traversé en 2016-2017 une récession majeure, causée par la chute des cours mondiaux du brut.
Malgré les promesses faites par Abuja - qui tire environ 90% de ses recettes du brut - de diversifier l'économie, le Nigeria reste très dépendant de l'or noir.
Le mois dernier, le Fonds monétaire international (FMI) a abaissé ses prévisions de croissance 2020 à 2%, en raison de la baisse des prix du pétrole.
"Le Nigeria n'a pas tiré les leçons du passé en termes de diversification de sa base de revenus", estime Ayodeji Ebo, directeur général d'Afrinvest Securities, basé à Lagos.
Une autre récession possible
"Nous pensons que dans les prochains jours, lorsque nous aurons tous commencé à voir l'effet de la baisse des prix (...) nous devrons peut-être nous réunir à nouveau et reconsidérer nos positions", a déclaré lundi le ministre du Pétrole, Timipre Sylva.
Pour l'instant, la plupart des analystes s'accordent à dire qu'il est trop tôt pour savoir à quel point la chute des cours va impacter l'économie du pays le plus peuplé d'Afrique avec 200 millions d'habitants.
Mais d'après Ayodeji Ebo, si le bras de fer entre Russie et Arabie saoudite se traduit par une baisse prolongée des prix du brut et que le coronavirus continue de chahuter l'économie mondiale, le Nigeria serait confronté à des risques majeurs.
Malgré tout, le Nigeria semble mieux à même de surmonter la crise que lors du crash pétrolier de 2014.
Outre la chute des prix du baril, la région mouvementée du Delta du Niger, riche en pétrole, avait subi une série d'attaques de rebelles armés qui avaient contribué à faire chuter la production quotidienne à environ 1,4 million de barils par jour.
Aujourd'hui, la région est globalement pacifiée et le pays produit environ 2 millions de barils par jour, assurant qu'il est prêt à booster sa production pour compenser une partie des pertes de revenus.
Dévaluation à venir ?
Les difficultés économiques risquent aussi d'entrainer une dévaluation de la monnaie nationale, le naira.
Jusqu'à présent, la banque centrale cherche à éviter de laisser flotter le naira et soutient coûte que coûte sa monnaie à un taux fixe malgré la diminution des réserves de change. Mais la chute des prix du pétrole pourrait obliger les autorités à mettre en place un régime de change régi par le marché.
"Le gouverneur de la banque centrale a indiqué au marché que deux variables détermineraient le prochain cap pour la monnaie: les prix du pétrole et le niveau des réserves de change", explique Omotola Abimbola, analyste à Chapel Hill Denham, une banque d'investissement nigériane.
Les prix du brut sont désormais bien en deçà du niveau espéré par les autorités nigérianes et les réserves s'approchent du seuil clé de 30 milliards de dollars fixé par le patron de la banque centrale, Godwin Emefiele.
"Le seuil n'a pas encore été atteint, les réserves étant de 36 milliards de dollars", a expliqué Abimbola. "Mais c'est un choc et j'imagine que la banque centrale ne laissera pas les réserves baisser en dessous de ce niveau pour agir."