"Je suis heureux", confie Allalo Grah Jephte, porte-parole des jeunes d'Agbaou, une localité du sud-ouest de la Côte d'Ivoire. Après trois ans de conflit, la compagnie minière qui y exploite une mine d'or a signé jeudi un accord avec la population.
Un type de conflit rare en Côte d'Ivoire, où l'activité minière reste marginale dans l'économie.
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La compagnie canadienne Endeavour, qui exploite la mine d'or d'Agbaou, affirme pourtant avoir versé au total 6,7 milliards de francs CFA (10 millions d'euros) de compensation depuis cinq ans. Soit 5,2 milliards à plus de 1.100 agriculteurs et propriétaires fonciers, et 1,5 milliard à un comité local de développement pour financer des infrastructures routières, d'éducation et de santé.
Mais les populations locales disent ne pas avoir vu la couleur de cet argent.
Les conflits sociaux autour de la mine ont considérablement ralenti l'activité de la compagnie, ce qui a finalement conduit Endeavour à négocier cet accord avec les populations riveraines.
Ces manifestations, parfois violentes, ont engendré des pertes de 600 millions de francs CFA (915.000 euros) chaque année, selon le groupe, les populations ayant plusieurs fois bloqué les installations.
Pour mettre fin au conflit, le groupe Endeavour Mining et ses deux filiales (Agbaou et la mine d'Ity-ouest) ont réuni pendant deux jours, dans la ville de Divo, les autorités locales et coutumières, les associations de jeunes et de femmes.
Tous ont décidé de "mettre fin à toutes les formes de violence et d'intimidation de toutes natures", à travers la création d'un "cadre permanent d'échanges directs, pour anticiper sur d'éventuelles crises et tensions entre la mine et les parties prenantes".
"C'est une innovation, c'est une première, nous voulons développer un dialogue social (...) qui vise à éviter des malentendus et des comportements susceptibles de bloquer l'activité de la mine", a déclaré Daniel Yaï, directeur d'Endeavour Mining Côte d'Ivoire. "Le blocage des mines handicape tout le monde".
Endeavour n'a pas divulgué les conditions précises de l'accord, mais selon le responsable des jeunes, la société a accepté de former et d'embaucher une centaine de jeunes. Des indemnisations financières supplémentaires devraient aussi être versées, mais leur montant n'a pas été dévoilé.
Le porte-parole des jeunes d'Agbaou, Allalo Grah Jephte, s'est réjoui de "la création de ce cadre de concertation qui devra aboutir à la formation des jeunes sur le travail des mines".
Il avait purgé en 2017 six mois de prison, en compagnie de deux autres jeunes, accusés par la justice ivoirienne d'être les instigateurs des troubles contre la mine, ce qu'ils démentent formellement.
De son côté, la présidente des femmes, Koffi Amenan, s'est félicitée de la formation des jeunes, "nos enfants", "car la mine a occupé nos terres exploitables, nous n'avons plus d'activités agricoles".
Jusqu'à présent, seulement le tiers des quelque 900 emplois directs et indirects liés à la mine sont occupés par des habitants de la région d'Agbaou, selon les chiffres d'Endeavour.
La production d'or totale de la Côte d'Ivoire est modeste à l'échelle internationale. Elle s'est élevée à 25 tonnes en 2017, en hausse de 2% sur 2016, selon des chiffres annoncés récemment par le gouvernement, mais des gisements prometteurs sont en cours de développement.
Le président Alassane Ouattara a exprimé son ambition de faire de la Côte d'Ivoire un pays minier, mais le secteur dans son ensemble (or, bauxite, nickel, cuivre, fer), qui emploie près de 44.000 personnes, n'a représenté qu'un peu moins de 3% du PIB ivoirien en 2017.
Avec AFP