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Les "héritiers" d'Houphouët-Boigny divisés deux ans avant une présidentielle à risque


Alassane Ouattara (à gauche) avec Henri Konan Bédié du PDCI, à Abidjan, Côte d'Ivoire, le 10 novembre 2010.
Alassane Ouattara (à gauche) avec Henri Konan Bédié du PDCI, à Abidjan, Côte d'Ivoire, le 10 novembre 2010.

A deux ans de la prochaine élection présidentielle, les "héritiers politiques" de Félix Houphouët-Boigny, le premier président ivoirien et "père de la Nation", sont divisés en Côte d'Ivoire, où règne déjà un climat délétère, laissant craindre un scrutin à risque.

Vingt-cinq ans après sa mort, "Félix Houphouët-Boigny (FHB) reste une figure tutélaire de la vie politique et de l'inconscient des Ivoiriens. Son personnage est mis en avant pour parer un risque de dislocation" du pays, analyse le politologue Jean Alabro, alors que beaucoup d'Ivoiriens restent nostalgiques de la stabilité qui prévalait sous son ère, un "âge d'or" révolu.

Alternativement adversaires et alliés, le président ivoirien Alassane Ouattara et l'ex-président Henri Konan Bédié (1993-1999) revendiquent tous deux l'héritage de FHB, et leurs partis sont les principaux rivaux en vue de la présidentielle de 2020.

Les deux hommes se connaissent bien : Ouattara fut le dernier Premier ministre de FHB, quand Bédié présidait l'Assemblée nationale. Une lutte les avait opposés pour succéder au "Vieux" à la tête du pays, dont Bédié était sorti vainqueur. Ouattara avait alors lancé son propre parti, le Rassemblement des républicains (RDR), faisant sécession avec l'alors tout puissant Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI), l'ancien parti unique créé par "FHB".

Ouattara fut empêché de se présenter à la présidentielle de 1995, au motif que sa nationalité ivoirienne était "douteuse". Ce concept d'"Ivoirité", entretenu notamment par Bédié, allait entraîner la Côte d'Ivoire dans sa plus grave crise.

Havre de paix pendant trois décennies après son indépendance en 1960, la Côte d'Ivoire connut son premier coup d'Etat militaire en 1999, six ans après la mort de FHB, puis une deuxième tentative de coup d'Etat, qui aboutit à une interminable crise politico-militaire et à un pays coupé en deux, de 2002 à 2011, entre un Nord contrôlé par une rébellion et un Sud loyaliste.

'Fonds de commerce politique'

Oubliant leur rivalité, Ouattara et Bédié s'allièrent en 2005 contre le président Laurent Gbagbo. Cette coalition électorale, baptisée Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), permit à Ouattara de remporter la présidentielle en 2010, puis de prendre le pouvoir en 2011 après la crise post-électorale, ramenant la paix dans le pays.

Cependant la coalition RHDP a volé en éclats en août 2018, deux mois avant les élections locales, sur une question de pouvoir. Le PDCI avait soutenu l'élection de Ouattara en 2010, puis sa réélection en 2015, et demandait un retour d'ascenseur pour la présidentielle de 2020 : que le RDR soutienne un candidat PDCI. Ce que le RDR s'est refusé à faire, voulant à la place fusionner les deux mouvements, à son profit, en transformant le RHDP en un grand "parti unifié".

Conséquence de cette désunion, les élections municipales et régionales d'octobre ont été marquées par des violences et des accusations de fraudes, faisant cinq morts. Un mauvais signal, deux ans avant la présidentielle. En 2010-11, la contestation du résultat de l'élection présidentielle avait abouti à une crise post-électorale qui avait fait 3.000 morts.

Pour Jean Alabro, l'houphouëtisme aujourd'hui, c’est "essentiellement un fonds de commerce politique, et l'opinion le perçoit".

"En dehors du verbe, il n'y a pas d'héritage d'Houphouët dans les actes", estime le politologue Sylvain N'Guessan. "FHB avait l'art d'associer toutes les régions de Côte d'Ivoire à la gouvernance. Avec le président actuel, il y a une prédominance des gens du Nord dans tous les secteurs".

Une messe d'hommage à Félix Houphouët-Boigny a réuni vendredi l'ensemble du monde politique à Yamoussoukro, sa ville natale.

Une unité de façade, pense Véronique Aka, députée PDCI, pour qui "Houphouët-Boigny est en train de se retourner dans sa tombe" devant le spectacle des divisons politiques qui menacent l'avenir de la Côte d'Ivoire.

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