Fiasco épique pour cette cérémonie d'ordinaire si rodée, l'actrice légendaire Faye Dunaway, aux côtés de Warren Beatty, a lu le mauvais nom de film sur la scène du Dolby Theatre.
Toute l'équipe de "La La Land" est montée sur le podium et les producteurs ont commencé leurs remerciements avant qu'on vienne les prévenir que le gagnant était en réalité "Moonlight".
"Il y a une erreur, 'Moonlight', c'est vous qui avez gagné le prix du meilleur film", a expliqué l'une des personnes sur la scène brandissant le carton et son enveloppe rouge.
L'un des producteurs de "La La Land", avec classe, a dit qu'il était honoré de donner la statuette qu'il avait crue sienne à ses "amis de +Moonlight+".
Le réalisateur de ce dernier film, Barry Jenkins, 37 ans, a aussi été primé pour le scénario, adaptation d'une pièce de Tarell McCraney.
"Vous tous les gens qui pensez qu'il n'y a pas de miroir pour vous, l'Académie" des arts et science du cinéma, qui décerne les Oscars, "veille sur vous, nous veillons sur vous, et pendant les quatre années à venir nous ne vous oublierons pas", a déclaré le cinéaste.
Mahershala Ali, interprète d'un trafiquant de drogue qui se prend d'affection pour un petit garçon dans "Moonlight", drame intimiste sur un jeune garçon noir homosexuel qui grandit dans un quartier difficile, a reçu la statuette de meilleur second rôle masculin.
'Chance et opportunité'
Après deux années de vives polémiques sur le manque de diversité aux Oscars, une autre afro-américaine a remporté le prix du second rôle féminin: la grande Viola Davis, en robe rouge et en larmes.
Elle interprète dans "Fences" une femme trompée face à Denzel Washington, réalisateur de ce drame, à qui elle a lancé un vibrant "oh capitaine, mon capitaine". Déjà primée aux Emmys et aux Tonys, les prix du théâtre, elle a été ovationnée debout.
"La La Land", ode à Los Angeles et à ses artistes, partait largement favorite avec le record de 14 nominations. Elle en a brassé six. Damien Chazelle, prodige de 32 ans, devient le plus jeune lauréat du prix de meilleur réalisateur pour la comédie musicale.
Il a expliqué auparavant sur le tapis rouge avoir voulu faire "quelque chose que nous n'avions pas vu au cinéma depuis longtemps, mais essayer de le faire d'une façon moderne, contemporaine".
Emma Stone, qui fait des claquettes, chante, pleure et déploie tout son charme dans cette romance douce-amère, a été couronnée meilleure actrice, battant notamment la française Isabelle Huppert.
"C'est une énorme confluence de chance et d'opportunité" d'avoir joué dans pareil film "et donc je veux remercier Damien Chazelle pour l'opportunité de faire partie d'un projet qui a été si spécial, une occasion unique dans une vie", a dit la pétillante rousse de 28 ans aux yeux turquoises.
L'Oscar échappe donc à Isabelle Huppert, seul trophée notable qui manque encore à l'impressionnant palmarès de la Française, qui a empoché un Golden Globe, un Spirit, un César parmi de nombreuses autres récompenses pour son interprétation d'une femme violée qui traque son agresseur dans "Elle".
Le drame "Manchester by the sea" est un autre vainqueur de la cérémonie, son auteur-réalisateur Kenneth Lonergan ayant été primé pour son scénario et son interprète Casey Affleck ayant coiffé au poteau Denzel Washington ("Fences") pour le trophée de meilleur acteur.
Il interprète un homme dépressif soudainement forcé de s'occuper de son neveu et s'affranchit définitivement de l'ombre de son célèbre aîné Ben Affleck, qu'il a salué dans son discours.
'Mesure inhumaine'
L'animateur Jimmy Kimmel avait donné le "la" de cette soirée très politisée dès son monologue d'introduction: "Cette émission est regardée dans plus de 225 pays qui maintenant nous détestent", a-t-il déclaré, dans une allusion à la politique anti-immigration du président Donald Trump.
"Le Client", une coproduction française réalisée par l'Iranien Asghar Farhadi, a reçu l'Oscar du meilleur film en langue étrangère, la deuxième fois qu'un film de ce cinéaste est primé.
Son absence n'en était que plus retentissante: il boycottait la cérémonie pour protester contre le décret migratoire du président Trump visant sept pays musulmans, dont le sien.
Pour adoucir l'ambiance, Jimmy Kimmel a fait parachuter des bonbons, biscuits et beignets sur le parterre de stars du Dolby.
Avec AFP