Le parti au pouvoir au Zimbabwe a officialisé ce week-end la candidature du président Robert Mugabe à un nouveau mandat en 2018, mais la santé visiblement fragile du chef de l'Etat de 91 ans alimente les spéculations sur l'identité de son successeur.
Ces derniers mois, Robert Mugabe a montré des signes de faiblesse plutôt inhabituels pour celui qui dirige le Zimbabwe d'une main de fer depuis 35 ans.
En septembre, il a lu pendant 25 minutes un discours mot pour mot identique à celui qu'il avait prononcé un mois plus tôt, manifestement sans s'en apercevoir. Il a également trébuché par deux fois, lors de récentes sorties publiques.
Au sein de la Zanu-PF, le parti au pouvoir, ces signaux ont lancé la bataille et les divisions autour de la succession de l'inamovible président.
Pour l'heure, Mugabe s'est toujours refusé à désigner un successeur et vendredi il a critiqué les divisions qui minent son parti, à l'occasion de la conférence annuelle de la Zanu-PF.
"Votre ambition ne doit pas diviser le peuple, le peuple n'appartient pas à des factions. Il appartient à la Zanu-PF", a t-il lancé à la tribune.
La succession, clé de tous les problèmes
"La question de la succession est la clé de tous les problèmes qui tourmentent le parti, et elle continuera de le hanter jusqu'à ce qu'elle soit résolue", explique Eldred Masunungure, professeur de sciences politiques à l'université du Zimbabwe.
"Le développement du pays est sacrifié sur l'autel des querelles politiques", ajoute t-il.
L'économie du Zimbabwe est en crise depuis 15 ans et une réforme agraire controversée qui a brisé l'agriculture, secteur-clé de l'économie, a conduit à une hyper-inflation et fait bondir le chômage.
La confiscation par le gouvernement des fermes détenues par les Blancs a néanmoins profité aux cadres de la Zanu-PF qui ont récupéré ces terres, s'enrichissant considérablement.
Selon Godfrey Kanyenze, chef de l'Institut pour le travail et la recherche économique au Zimbabwe, la guerre de succession tourne autour "de la conservation ou de l'accession au pouvoir comme moyen de conserver des privilèges".
La Première dame est "entrée dans la mêlée"
"Ils savent que s'ils perdent le pouvoir, ils risquent de perdre leurs fermes et leurs business. C'est pour ça que la Première dame, Grace Mugabe, est entrée dans la mêlée", ajoute t-il.
Le vice-président actuel Emmerson Mnangagwa fait partie des favoris mais certains analystes estiment que M. Mugabe et sa femme souhaitent garder le pouvoir au sein de la famille.
Grace Mugabe, 50 ans, a été nommée à la tête de la ligue des femmes de la Zanu-PF l'année dernière après une campagne qui a conduit à l'éviction de Joice Mujuru, alors vice-présidente du Zimbabwe et potentiel successeur de M. Mugabe.
A la conférence annuelle de la Zanu-PF, la ligue des femmes a fait pression pour qu'un des deux vice-présidents du Zimbabwe soit une femme, une mesure qui placerait de fait Grace Mugabe en pole position.
Les chances d'un outsider sont très minces
Joice Mujuru, qui fait également partie des outsiders, devrait former un nouveau parti pour le scrutin de 2018, mais compte tenu des scores écrasants de la Zanu-PF lors des dernières élections, les analystes estiment que la guerre de succession se jouera au sein du parti.
Les chances de voir un outsider remporter la prochaine élection demeurent très minces, alors que la Zanu-PF est régulièrement accusée par les défenseurs des droits de l'Homme de truquer les scrutins.
Quant à l'opposition, "elle est nulle part", lance M. Masunungure en référence au principal parti d'opposition du pays, le Mouvement pour le changement démocratique (MDC).
"Normalement, on s'attendrait à ce que les opposants profitent des profonds problèmes de la Zanu-PF mais ils sont actuellement dans le coma", ajoute t-il.
"C'est pourquoi la Zanu-PF peut se permettre de se livrer à des querelles internes. Ils savent qu'ils n'ont pas d'opposant puissant en dehors du parti. Les seuls vrais rivaux de la Zanu-PF sont au sein même du parti", poursuit-il.
Avec AFP