L'ancien chef de guerre congolais Bosco Ntaganda a affirmé mercredi devant la Cour pénale internationale (CPI) avoir aidé à mettre fin au génocide rwandais de 1994, où il a "vu des horreurs".
"Je suis un de ceux qui ont mis fin à ce génocide", a déclaré l'homme à la moustache en traits de crayon. "J'étais très jeune mais j'étais déjà dans l'armée (...). J'étais commandant d'un peloton à ce moment-là et j'ai vu des horreurs."
Près de deux ans après l'ouverture de son procès, l'ancien chef adjoint de l'état-major général des Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC) a pris la parole en tant que premier témoin pour sa propre défense.
En septembre 2015, l'ancien rebelle avait plaidé non coupable des treize crimes de guerre et cinq crimes contre l'humanité qui lui sont reprochés, dont meurtres, pillages, attaques contre des civils, viols et esclavage sexuel, commis par ses troupes en 2002-2003 en Ituri, au nord-est de la République démocratique du Congo (RDC).
Né en 1973 au Rwanda, Bosco Ntaganda avait d'abord fait ses armes avec le Front patriotique rwandais (FPR), après avoir vécu dans les années 1980 dans le Masisi, territoire de la province congolaise du Nord-Kivu où vit une importante communauté rwandophone.
"Je me rappelle quand on a mis fin au génocide rwandais, nos supérieurs avaient dit que ce que nous venions de voir, nous comme militaires, si nous le pouvions, nous devions tout faire pour que cela ne se répète plus en Afrique", a encore expliqué l'accusé.
"Cela m'a accompagné partout où je suis passé", a-t-il affirmé d'une voix faible, en swahili. "Et je me suis dit: +Je ne veux plus qu'aucune autre communauté puisse vivre ce que ma communauté a vécu+."
Issu d'une famille tutsie de six enfants, Bosco Ntaganda a "perdu beaucoup de membres de (sa) famille": "Ceux qui sont restés au Rwanda ont été exterminés lors du génocide... mes tantes, mes jeunes oncles ont perdu la vie."
- 'Un être humain' -
Celui qui était surnommé autrefois "Terminator" a l'intention lors de sa prise de parole longue de plusieurs jours de se présenter comme "un être humain", avait annoncé Stéphane Bourgon, son conseil.
Il "décrira tout ce qu'il a fait durant le conflit", avait-il précisé. "Il souhaite expliquer qui il est."
Car la défense veut lisser la réputation de son client: celle d'un chef de guerre opportuniste et sans pitié au sein des rébellions où il a successivement évolué. Du génocide des Tutsi au Rwanda au Mouvement du 23 mars (M23) au Nord-Kivu, en passant par la rébellion de Laurent-Désiré Kabila qui mettra fin en 1997 à la longue dictature de Mobutu Sese Seko.
Durant 64 jours d'audience, l'accusation a présenté jusqu'au 16 février 71 témoins, 1.300 documents et onze témoins-experts comme éléments de preuves.
D'après la procureure Fatou Bensouda, Bosco Ntaganda "était un des commandants les plus importants" lors de crimes "ethniques" qui ont engendré la mort de 60.000 personnes.
Il est accusé d'avoir orchestré des attaques menées par les FPLC, ce bras armé de l'Union des patriotes congolais (UPC) à prédominance Hema combattant principalement des milices Lendu pour le contrôle de cette région aux nombreuses mines d'or.
Ces attaques laissaient derrière elles des corps "ligotés au niveau des bras", "en sous-vêtements", "éventrés", "les têtes écrasées par des pilons", avait rapporté un témoin devant la Cour.
Très imbu de lui-même et connu pour avoir la gâchette facile, le chef de guerre aurait donné les ordres, planifié et programmé les opérations, coordonné la logistique et fourni les armes.
Il aurait aussi "recruté personnellement des enfants", selon Nicole Samson, représentante du bureau de la procureure. Des "kadogo", des "jeunes" en swahili, filles et garçons, qu'il choisissait pour son escorte personnelle et qu'il habillait et armait pour le combat.
L'Est de la RDC est englué dans des guerres dont le nerf est le contrôle des ressources minières. Ces conflits ont impliqué les armées d'au moins six nations africaines et causé la mort de centaines de milliers de morts.
Avec AFP