Des combats faisaient toujours rage jeudi au sud de la capitale, cible depuis le 4 avril d'une offensive du maréchal Khalifa Haftar, l'homme fort de l'est libyen qui veut s'emparer de Tripoli, siège du gouvernement d'union nationale (GNA), dirigé par Fayez al-Sarraj et reconnu par la communauté internationale.
Soutenu par une autorité basée dans l'est du pays mais non reconnue internationalement, le maréchal Haftar espère, avec son Armée nationale libyenne (ANL), étendre son emprise sur l'ouest de ce pays pétrolier, alors qu'il contrôle déjà l'est et --plus récemment-- le sud.
En face, les forces pro-GNA affirment être déterminées à mener une contre-offensive généralisée.
Les troupes du maréchal Haftar tentent d'avancer vers la capitale notamment sur deux axes: par le sud et le sud-est, où des combats avaient déjà opposé mercredi les forces pro-GNA à celles de l'ANL.
Mais "pour le moment, c'est toujours le jeu du chat et de la souris", expliquait mercredi à une équipe de l'AFP, un commandant d'un groupe armé por-GNA, sur la route de l'aéroport inutilisé de Tripoli, théâtre de combats qui se poursuivaient jeudi entre les deux camps selon des sources de sécurité.
"Les deux côtés semblent de force égale sur le plan militaire", estime le centre d'analyses International Crisis Group (ICG), jugeant toutefois qu'un "déploiement plus important de combattants" ou "une intervention militaire extérieure" pourraient précipiter une "catastrophe humanitaire".
A l'ONU, M. Guterres a appelé à un cessez-le-feu.
"Il est encore temps d'arrêter" les affrontements, "encore temps d'avoir un cessez-le-feu, d'éviter le pire", a déclaré à des médias M. Guterres, après une réunion à huis clos du Conseil de sécurité de l'ONU.
- "Relancer le dialogue" -
"Nous avons besoin de relancer un dialogue politique sérieux", a-t-il insisté. L'ONU avait annoncé mardi en raison des combats le report sine die d'une conférence interlibyenne qui devait aider le pays à sortir du chaos.
Jeudi, des combats avaient lieu comme la veille au sud d'Ain Zara, où le GNA a organisé pour les journalistes une visite à la prison de cette banlieue de Tripoli où des personnes présentées comme des combattants pro-Haftar, dont des mineurs, sont placées en détention.
Une agence de l'ONU était sur place et menait des entretiens avec les prisonniers.
Le directeur de la prison, Ayad Enjem, a fait état de la détention de "75 combattants de l'ANL" vendredi dernier. Parmi eux, "plusieurs ont moins de 16 ans", selon lui.
Une dizaine de prisonniers ont été présentés aux journalistes jeudi. L'un deux a indiqué à l'AFP qu'il avait 16 ans et qu'il avait été recruté récemment à Sabratha (ouest).
Dans un pays plongé dans le chaos depuis la chute du régime Kadhafi en 2011, les organisations internationales craignent que les civils ne fassent une nouvelle fois les frais des violences. Quelque 4.500 personnes ont déjà été déplacées par les combats, selon l'ONU.
- Hôpitaux débordés -
L'OMS a fait état jeudi de 56 morts et 266 blessés depuis le début de l'offensive du maréchal Haftar le 4 avril, alors que l'ONU se mobilise pour soutenir les hôpitaux débordés du pays. Selon le dernier bilan du ministère de la santé du GNA arrêté dimanche soir, au moins 35 personnes ont été tuées.
"Des milliers de personnes ont fui leur foyer, tandis que d'autres se retrouvent piégées dans des zones de conflit. Les hôpitaux à l'intérieur et à l'extérieur de la ville (Tripoli, ndlr) reçoivent chaque jour des victimes", a ajouté l'OMS.
L'agence spécialisée de l'ONU a souligné que "le travail des équipes d'ambulances et des hôpitaux est entravé par les bombardements incessants et les affrontements armés, y compris autour des zones résidentielles très peuplées".
"Les équipes d'urgence sont confrontées à des pénuries de carburant et les migrants, qui ont été déplacés des centres de détention, ne reçoivent peut-être pas les soins médicaux dont ils ont besoin", a-t-elle déploré.
L'Union européenne a fait évacuer mercredi de Tripoli les membres d'une mission d'assistance, en raison des bombardements, selon une source européenne. Cela concernerait une vingtaine de personnes.
L'UE est "préoccupée par les développements très inquiétants en Libye", a par ailleurs annoncé la porte-parole de la cheffe de la diplomatie de l'Union Federica Mogherini, renouvelant son appel à un cessez-le-feu immédiat et à faciliter l'accès de l'aide humanitaire.
Jeudi, Angela Merkel s'est entretenu au téléphone avec M. Sarraj et "condamné l'avancée des troupes du général Haftar sur Tripoli", selon un communiqué de la chancellerie allemande. Elle "a souligné avec conviction qu'il n'y a pas de solution militaire possible en Libye", estimant que "le processus politique sous l'égide des Nations unies doit continuer".