Ce type d'offensives, que "la doctrine de la Russie" appelle "conflits hybrides", "appartient désormais au quotidien et nous devons apprendre à y répondre", a déclaré mardi la chancelière Angela Merkel.
La vulnérabilité de la première puissance européenne a été une nouvelle fois démontrée lundi par le piratage des routeurs du principal opérateur de télécommunications du pays, Deutsche Telekom, qui a perturbé les connexions de près d'un million de foyers.
Mme Merkel, interrogée sur une éventuelle responsabilité russe dans l'offensive contre Deutsche Telekom, a indiqué que l'enquête suivait son cours pour "déterminer d'où ces attaques provenaient, ce qui n'est pas facile".
Mais dans le journal berlinois Tagesspiegel, des sources du secteur de la sécurité attribuent l'attaque au logiciel Mirai, développé par le groupe de hackers russes Sofacy, également connu sous les noms APT28 ou Pawn Storm.
Mirai, qui infecte d'abord un réseau d'objets domestiques connectés, allant du babyphone aux caméras de surveillance, avant de lancer des attaques à plus grande échelle, avait déjà été utilisé pour pirater en 2015 le Bundestag, la chambre basse du Parlement allemand. Cette offensive avait été attribuée à la Russie par les services de renseignement.
"Le +malware+ (logiciel malveillant) était mal programmé, il n'a pas fait ce pour quoi il était conçu, sinon les conséquences auraient pu être beaucoup plus graves", a indiqué mardi le porte-parole de Deutsche Telekom, Georg von Wagner.
Selon les experts cités par le Tagesspiegel, l'attaque contre Deutsche Telekom poursuit sans doute "un double objectif", en mettant à nu la faiblesse d'une grande entreprise tout en préparant une offensive "de plus grande ampleur", par exemple lors du sommet du G20 organisé en juin à Hambourg (nord).
Au-delà du cas Deutsche Telekom, il existe des "indications selon lesquelles des cyberattaques se produisent dans le seul but de créer de l'incertitude politique", a estimé mardi Bruno Kahl, le patron des renseignements extérieurs allemands, dans le quotidien Süddeutsche Zeitung.
"L'Europe est au centre de ces tentatives de déstabilisation et l'Allemagne tout particulièrement", a-t-il poursuivi, précisant que des "éléments" pointaient en direction de la Russie.
Au début du mois, Angela Merkel avait déjà accusé directement la Russie d'être à l'origine d' "attaques en ligne" ou de tentatives de désinformation qui "pourraient jouer un rôle pendant la campagne" des législatives, lors desquelles elle briguera un quatrième mandat.
"Nous devons pour cela informer les gens, et continuer d'exprimer très clairement nos convictions politiques, on ne doit pas se laisser irriter. On doit savoir que cela existe, et apprendre à fonctionner avec", a-t-elle martelé mardi.
Plusieurs partis politiques allemands, dont la formation conservatrice de Mme Merkel, ont fait l'objet cet été de cyberattaques attribuées à des hackers pro-Kremlin, via des courriels semblant provenir "du quartier général de l'Otan" et infectés par un logiciel espion.
En mai, déjà, les services de renseignement allemands avaient accusé le gouvernement russe de piloter des campagnes internationales de cyberattaques à des fins d'espionnage et de sabotage, évoquant une "guerre hybride" orchestrée par Moscou depuis "sept à onze ans".
Le ministère de la Défense a d'ailleurs annoncé début octobre la création d'un cyber-département destiné à organiser la riposte, comprenant 130 fonctionnaires répartis entre Bonn et Berlin.
Parallèlement, sur le front de la désinformation, Berlin a notamment accusé en début d'année la Russie "d'instrumentaliser politiquement" le prétendu viol d'une adolescente germano-russe par des migrants, qui s'est avéré entièrement inventé.
Les médias allemands soupçonnent en particulier Moscou de chercher à influencer la vie politique allemande à travers les 3,2 millions de ressortissants des ex-républiques soviétiques arrivés en Allemagne après l'éclatement du bloc de l'Est, et qui disposent pour la plupart de la nationalité allemande.
Avec AFP