"Je choisis la paix et j'ai pardonné", a déclaré Farid Ahmed dans son fauteuil roulant devant des dizaines de milliers de personnes rassemblées dans cette localité de l'île du Sud où résonnait un chant de lamentation maori. Sous les applaudissements nourris de la foule, il a imploré les Néo-Zélandais de tourner le dos à la haine quelle que soit leur religion.
Le 15 mars, pendant la prière du vendredi, un suprémaciste blanc a abattu 50 fidèles rassemblés dans deux mosquées de Christchurch. L'effroi a été d'autant plus grand que l'assassin a diffusé en direct les images de la tuerie sur les réseaux sociaux.
Vêtue d'une cape traditionnelle maori, la Première ministre Jacinda Ardern figurait parmi les représentants d'une soixantaine de pays participant à la cérémonie. Les noms des 50 victimes ont été rappelés tandis que les présents ont rendu hommage aux morts comme aux survivants, dont 22 personnes qui sont toujours hospitalisées. Parmi elles, une fillette de quatre ans grièvement blessée.
La cheffe du gouvernement néo-zélandais a été longuement applaudie quand elle est arrivée sur l'estrade pour prononcer son discours après avoir été louée de toutes parts pour sa réaction au carnage.
Mme Ardern a salué la solidarité manifestée par les Néo-Zélandais envers la petite communauté musulmane de cette nation du Pacifique Sud de moins de cinq millions d'habitants réputée pour sa tranquillité et ses traditions d'hospitalité.
"Le racisme existe, mais il n'est pas le bienvenu ici", a-t-elle dit, espérant que son pays puisse donner l'exemple et interrompre le cycle des violences extrémistes qui engendrent des violences extrémistes.
"Nous ne sommes pas immunisés contre le virus de la haine, de la peur, ou autre. Nous ne l'avons jamais été", a-t-elle lancé. "Mais nous pouvons être la nation qui découvre le remède".
- "Unis" -
Cette cérémonie avait été organisée en toute hâte, ce qui n'a pas empêché les autorités de mettre en place d'importantes mesures de sécurité. Le commissaire Miek Bush a confirmé que des policiers australiens armés étaient sur les lieux pour prêter main forte à leurs collègues néo-zélandais.
La foule a entendu une supplication islamique ainsi que Cat Stevens. Le chanteur britannique qui avait tourné le dos à la célébrité dans les années 1970 pour se convertir à l'islam sous le nom de Yusuf Islam a livré une version poignante de son tube "Peace Train".
Mais le discours le plus émouvant fut celui de Farid Ahmed, dont la femme Husna a été abattue en tentant de secourir son mari handicapé.
L'air fragile dans son fauteuil roulant, lunettes noires sur le visage, il a expliqué qu'il n'éprouvait aucune haine pour le tueur, l'extrémiste australien Brenton Tarrant.
"Les gens me demandent, +Pourquoi pardonnes-tu à quelqu'un qui a tué ton épouse bien-aimée?", a-t-il dit. "Je peux répondre tant de choses. Allah dit que si nous nous pardonnons les uns les autres, il nous aime".
Les gens de cultures différentes sont tels des fleurs qui "forment ensemble un jardin merveilleux", a-t-il poursuivi. "Je ne veux pas d'un coeur qui bout comme un volcan, de rage, de fureur et de colère, qui se consume lui-même et ce qui l'entoure".
"Je veux un coeur empli d'amour et de pitié. Mon coeur ne veut pas que d'autres vies soient perdues, qu'un autre être humain endure la douleur que j'endure. C'est pourquoi je choisis la paix, pourquoi j'ai pardonné".
La maire de la ville Lianne Dalziel a renchéri, jugeant que le carnage avait eu l'effet inverse de celui escompté par le tueur, convaincu que les musulmans sont en train "d'envahir" les pays occidentaux.
Ce massacre "était une attaque dirigée contre nous tous", a dit Mme Dalziel. "Inspirés par la haine, ces actes visaient à nous diviser et à nous déchirer. Mais il nous ont unis au contraire dans la compassion et l'amour".
Avec AFP