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Violences, peur et fossé grandissant entre communautés ivoiriennes


Des gens se tiennent près d'un mur d'une boutique endommagée qui dit: "non à la violence, Toumodi est la base" sur le marché de Toumodi le 4 novembre 2020.
Des gens se tiennent près d'un mur d'une boutique endommagée qui dit: "non à la violence, Toumodi est la base" sur le marché de Toumodi le 4 novembre 2020.

"On vit avec la peur!" s'indigne Jacob Yahot, un retraité de 70 ans, revenu sur les cendres de sa maison incendiée dimanche, au lendemain de l'élection présidentielle, à Toumodi, dans le centre de la Côte d'Ivoire.

Cette ville située près de la capitale Yamoussoukro a été le théâtre de violences communautaires meurtrières. Au moins six personnes ont été tuées et les dégâts matériels sont importants.

Toumodikro, le quartier qui a donné son nom à la ville, est dévasté. Une dizaine de maisons dont celle de Jacob Yahot ont été incendiées, après la réélection du président Alassane Ouattara.

La gorge nouée de sanglots, M. Yahot désigne une des maisons calcinées: "Ils ont mis le feu, il y avait une vieille femme de 83 ans, son fils, sa fille et sa belle-fille. Les quatre personnes d'une même famille sont mortes" dimanche.

Des morts lors de troubles dans la ville ivoirienne de Toumodi
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Boutiques, maquis (bars-restaurants à ciel ouvert) installés sur un kilomètre de part et d'autre de la voie, ont été saccagés ou brûlés.

Des cendres encore fumantes se dégagent d'une échoppe de prêt-à-porter où un doudou d'enfant qui a échappé aux flammes est encore visible. Un peu loin, les restes des accessoires d'une quincaillerie jonchent le sol.

"On vit avec la peur, nous sommes livrés à nous mêmes, sans défense", déplore encore le retraité, accusant "une horde sauvage" de "personnes non identifiées munies de machettes et d'armes à feu" d'être les auteurs du drame.

"Dégoût et désolation"

A quelques encablures de chez M. Yahot se trouve la maison calcinée également de Félix Kouadio, professeur de lycée. Sac en bandoulière, M. Kouadio se promène sur les débris noircis par le feu, pour tenter de sauver ce qu'il peut.

"J'ai retrouvé seulement les cahiers de mes enfants. Tous mes livres depuis le lycée jusqu'à l'université et mes diplômes ont disparu dans les flammes", raconte-il, le cœur brisé.

"Compte-tenu de la tension ambiante, j'avais évacué toute la famille. Dimanche on m'appelle pour m'annoncer que ma maison est en train de brûler. C'est triste", poursuit l'enseignant, y voyant un coup porté à la cohésion sociale dans cette ville paisible où vivaient en harmonie toutes les communautés.

"J'éprouve un sentiment de dégoût et de désolation. Ceux qui on fait ça n'ont pas de cœur, car les habitants d'ici n'ont rien à faire avec la politique", ajoute-t-il.

Samedi, répondant à l'appel de "désobéissance civile" de l'opposition, des jeunes avaient dressé des barricades pour empêcher la tenue du scrutin présidentiel. Des heurts ont alors eu lieu.

Dimanche, les affrontements ont repris et un groupe a fait une descente sur Toumodikro.

"Finis à la machette"

Lundi, des inconnus ont tué deux jeunes de l'entourage du ministre de l'Equipement Amedé Koffi Kouakou, qui tentaient d'aider le frère du ministre pris dans une échauffourée.

"Ils ont été tués avec du calibre 12 et ils ont été finis à la machette", a souligné une source proche de la famille.

Le fossé se creuse entre les communautés et la police a été déployée pour éviter de nouveaux affrontements.

Une dizaine de jeunes volontaires ont sillonné mercredi la ville pour faire passer des "messages de paix et de retour au calme" en dessinant des graffitis sur les murs avec comme slogan: "Je suis Toumodi, non à la violence!".

"Jeune de Toumodi, tu brûles boutiques, maquis, marchés, demain on fait comment?", pouvait-on lire sur un mur calciné.

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