Ce fermier de 24 ans s'est résolu à quitter son village, à 130 km de là, après l'assassinat de son oncle par des hommes armés, en laissant quasiment tout derrière lui: "Si tu prends des choses, on te demande où tu vas", explique-t-il.
Titus a trouvé refuge depuis mi-décembre, avec son père et son épouse, au camp de déplacés de Vanduzi, dans le centre du Mozambique.
Vanduzi est situé dans la province de Manica, l'un des épicentres du conflit entre la Renamo, la rébellion de la guerre civile (1976-1992) qui a repris les armes en 2013, et le Frelimo, au pouvoir depuis l'indépendance en 1975.
"Depuis mai-juin, nous observons un afflux de personnes lié aux attaques des hommes de la Renamo, et nous avons ouvert cinq camps d'hébergement" qui accueillent 3.100 personnes, explique à l'AFP Teixeira Almeida, directeur de l'Institut national de gestion des catastrophes naturelles (INGC) pour la province de Manica.
Un afflux qui ne représente cependant que la partie visible des mouvements de populations liés au conflit.
Car les déplacés se réfugient en premier lieu chez des parents ou dans des familles hôtes. "Pour le seul district de Mossurize (province de Manica), on a plus de 10.000 déplacés en dehors des camps", estime M. Almeida, qui ne dispose pas de statistiques pour toute la province.
Et plus de 8.600 personnes sont actuellement réfugiées au Malawi et au Zimbabwe voisins, selon le Haut Commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR).
- Marcher la nuit -
Au camp de Vanduzi, les autorités ont installé une quarantaine de tentes bien alignées, un poste de santé, un réservoir d'eau potable, qui est vide depuis deux semaines, et des latrines de fortune récemment détruites par le vent.
Interrogé pour savoir qui le menaçait dans son village, Titus baisse les yeux ostensiblement, avant de lâcher: "Ce sont les hommes de la forêt". Une expression qui désigne dans la région les hommes de la Renamo.
Mais Pedro Zungu, un déplacé de 40 ans également installé à Vanduzi, pointe du doigt les militaires. L'armée "nous dit +Nous cherchons la Renamo. Si vous restez ici, c'est que la Renamo vous dirige. Alors partez+", raconte-t-il.
Le représentant local de la Renamo, Caetano Augusto, affirme lui que les camps de déplacés sont avant tout réservés aux partisans du Frelimo. "Si dans un camp, on découvre que vous êtes membre de l'opposition, vous ne survivez pas. Donc il vaut mieux garder la bouche fermée".
Lui-même vit constamment dans la peur. Depuis mars, les "escadrons de la mort", des unités d'exécutions attribuées aux services secrets, ont assassiné trois représentants locaux du parti, affirme-t-il. "La situation politique est dramatique. Nos membres sont persécutés (...). En plein jour, nous pouvons nous faire enlever".
Dans un autre camp de déplacés, à Gondola, toujours dans la province de Manica, l'INGC vient en aide à une quarantaine de familles. Ici aussi, les déplacés interrogés préfèrent en dire le moins possible sur les exactions subies.
"Là où nous étions, nous apprenions tous les jours que telle famille ou tel voisin avait été tué. Donc nous avons préféré partir", explique Amelia Rendiçao, la cinquantaine.
Cette mère de six enfants a marché cinq semaines pour arriver jusqu'à Gondola. "Nous avancions la nuit car le jour, on peut tomber sur des soldats de l'un ou l'autre camp", raconte-t-elle.
A son arrivée à Gondola, elle a reçu des autorités locales une tente et un terrain pour cultiver. Un signe que le conflit pourrait s'éterniser, alors que les pourparlers de paix, qui ont repris fin mai à Maputo, piétinent.
Avec AFP