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Dans un couvent français, des réfugiés africains veulent "recommencer à zéro"


Des réfugiés africains en classe, dans le monastère de Thal-Marmoutier, en France, le 1er février 2018.
Des réfugiés africains en classe, dans le monastère de Thal-Marmoutier, en France, le 1er février 2018.

Il y a six mois, Kadja Koubra vivait dans un camp de réfugiés au Tchad. Aujourd'hui, cette mère de quatre enfants, qui a fui la guerre civile en Centrafrique, apprend doucement les codes de la vie en France, dans un couvent de l'est du pays.

"On va recommencer à zéro", assure la jeune femme, dans la chambre où elle loge depuis décembre. Trois lits, un bureau, une salle de bains: comme elle, 55 Erythréens, Soudanais ou Ethiopiens, sont pris en charge au couvent des petites soeurs franciscaines, à Thal-Marmoutier, en Alsace (est).

La vie s'écoule paisiblement, entre cours de français, repas au réfectoire et balades dans le bourg, où les voisins suivent d'un oeil bonhomme le groupe des enfants. "Ils vont rester quatre mois, le temps de régler les problèmes administratifs, avant de passer dans un logement autonome", explique Thomas Zimmermann, le responsable régional de l'association France Horizon qui gère le centre.

Ce "sas" est un dispositif nouveau, inventé pour les 3.000 réfugiés que la France va sélectionner dans des camps au Tchad et au Niger d'ici deux ans. La semaine dernière encore, l'Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) a entendu 85 personnes dans la capitale nigérienne Niamey, sur des listes préparées par le Haut commissariat aux réfugiés (HCR).

Ces réfugiés souvent non-francophones, issus pour beaucoup de la Corne de l'Afrique, sont sur la route de l'exil depuis des années. Certains ont été exfiltrés de Libye.

"Ils peuvent être très éloignés de nos codes", explique M. Zimmermann. A l'arrivée, "certains se nourrissaient exclusivement de lait, de riz et de pain, d'autres se promenaient en t-shirt et pieds nus malgré la neige".

Pour les quinze enfants du groupe, les autorités françaises ont ouvert une classe spécifique avant leur départ dans des écoles "classiques" d'ici quelques semaines. "La grosse difficulté est qu'ils ne connaissent pas notre langue", résume Sylviane Zins, l'institutrice.

A l'heure de la dictée, Hawa, la fille de Kadja, sourire confiant et tête hérissée d'élastiques multicolores, transcrit à toute vitesse les syllabes sur son ardoise, tandis que son voisin Moubarak aligne laborieusement les lignes de droite à gauche. Le petit Erythréen "a commencé une scolarité en arabe, notre graphie est difficile", soupire l'institutrice.

'Consolation'

L'arrivée des réfugiés "correspondait à la spiritualité de la congrégation" et a permis de "donner un second souffle" à la communauté, qui loge dans une aile distincte ses treize soeurs, dont l'une frôle les 90 ans, explique soeur Martine, chargée de l'économat.

Mais dans le village "les gens étaient un peu inquiets au début" et l'installation n'est pas passée inaperçue, au coeur d'un département où le vote en faveur du parti d'extrême droite Front national (FN) est arrivé en tête au premier tour de la dernière présidentielle française.

"Il y a eu une réunion publique (...) aujourd'hui le plus virulent est le premier à jouer avec les enfants et à parler aux ados", ajoute soeur Martine, qui voit un signe de succès dans l'importance des dons (vêtements, jouets) reçus.

Ou, plus simplement, dans l'accueil au quotidien: pour le sport au gymnase, l'institutrice du bourg voisin a eu l'idée d'organiser des séances communes. Aujourd'hui, c'est badminton et la petite Paloma se précipite vers Hawa pour lui donner une raquette. "Je l'avais vue la semaine dernière", explique la fillette, que les difficultés de communication ne semblent pas gêner: "on s'entend bien".

"Les enfants du village sont un moteur d'intégration pour leurs propres parents", souligne Christophe Lotigie, le sous-préfet de Saverne (est), qui rappelle que d'autres centres de ce type ouvriront en France dans les mois à venir.

Kadja le reconnaît: être ici est "une chance". Mais "ce n'est pas pour autant qu'on oublie", dit-elle, en appelant le président français Emmanuel Macron "à ne pas abandonner les amis, les parents encore là-bas".

A côté d'elle, Hissein Haroun approuve gravement. "On a vécu des moments horribles, c'est gravé dans la mémoire jusqu'à la fin de notre vie", dit ce Centrafricain, avant d'ajouter: "On va tourner la page. La France, c'est notre consolation".

Avec AFP

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