Le New York Times y a consacré une page entière à la une, avec un premier article lu plus d’un million de fois en 24 heures. Un chiffre jugé considérable par l’auteure Catherine Porter pour un sujet concernant la France.
Depuis le 2 septembre 2024, cette journaliste du quotidien new-yorkais et 60 confrères internationaux – sur les 150 accrédités au total – se pressent au tribunal d'Avignon dans le sud-est de la France pour couvrir une affaire dont l’écho dépasse les frontières de l’Hexagone.
Dans la salle d’audience où l'horreur côtoie l'indicible, se déroule le procès d’une société patriarcale où le contrôle du corps des femmes est normalisé. Au cœur des débats figure Dominique Pelicot, retraité de 71 ans, jugé pour avoir sédaté à son insu son épouse Gisèle Pelicot, même âge, avant de la violer avec des inconnus recrutés sur Internet.
Cinquante hommes âgés de 26 à 74 ans, dont un séropositif, pour la plupart parfaitement insérés dans la société, invités au domicile conjugal des Pelicot à Mazan pour commettre leur forfait sous la caméra du patriarche de la famille.
Une femme "totalement détruite", mais debout
Les scènes projetées à l’audience éclairent la gravité des faits déroulés entre 2011 et 2020. Elles révèlent une victime totalement amorphe, sous l’effet de fortes doses d’anxiolytiques – parfois jusqu’à frôler la mort selon l’expertise médicale – à la merci de ces inconnus.
"Sincèrement, si elle ne ronflait pas, on penserait qu’elle est morte. C’est glaçant", relate la journaliste Louise Colcombet, qui couvre le procès pour Le Parisien. Au total selon la presse française, 4 000 photos et vidéos auraient été retrouvées sur les supports électroniques de Dominique Pelicot.
Des clichés dont Gisèle Pelicot n’a aucune idée. "Je ne me reconnais pas", déclarera-t-elle en octobre 2020 au moment d’apprendre par la police à quels abus son époux de 50 ans de mariage l’avait soumise. Il lui aura d’ailleurs fallu quatre autres années pour pouvoir visionner les vidéos.
Des éléments de preuve qu’elle elle a souhaité projeter publiquement à l’audience afin "que toutes les femmes victimes de viol se disent madame Pelicot l’a fait, on peut le faire". "Je suis une femme totalement détruite", indiquera-t-elle fin octobre, avant d’ajouter : "Je ne veux plus qu’elles (les victimes) aient honte. La honte, ce n’est pas à nous de l’avoir, c’est à eux. (…)".
De profonds mécanismes sociaux
Alors que les témoignages se succèdent à la barre jusqu’au 20 décembre prochain, Gisèle Pelicot est célébrée à travers le monde. Sa décision de lever le huis clos est saluée ainsi que sa détermination face aux approches parfois limite de la défense.
"On dirait que c’est moi la coupable et que j’ai 50 victimes derrière moi. Je comprends pourquoi les victimes ne portent pas plainte", rétorquera-t-elle une fois à un avocat de la partie adverse.
"Ce n’est pas un fait divers comme un autre, il y a quelque chose d’universel dans l’histoire de Gisèle Pelicot", indique Catherine Porter alors que les rues de Brooklyn sont désormais ornées de messages de soutien pour cette mère de trois enfants.
Au-delà de ce que le profil des mis en cause – individus d’apparence ordinaire ne correspondant pas au cliché du prédateur marginal – révèle sur le viol, l’affaire met en lumière des notions comme : le consentement, "le viol d’opportunité" ou encore "la soumission chimique". Autant de termes montrant que le viol découle de mécanismes sociaux profonds liés à la domination et à l’opportunisme, mais qui reste si souvent impuni.
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