"Dans les circonstances actuelles, je considère ne plus être en mesure d'assurer la pérennité du modèle d'armée auquel je crois pour garantir la protection de la France et des Français", a écrit le général de Villiers en annonçant son départ dans un communiqué.
Le nom de son successeur, le général François Lecointre, a été rendu public après le Conseil des ministres par le porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner. Il était jusqu'à présent conseiller militaire du Premier ministre et il s'agit, selon Emmanuel Macron, cité par M. Castaner, d'"un héros, reconnu comme tel dans l'armée".
Si M. Macron, par la voix du porte-parole du gouvernement, a salué en Pierre de Villiers un "grand militaire", sa démission, un fait sans précédent sous la Ve République, intervient alors que le président a multiplié ces derniers jours les rappels à l'ordre sévères à son égard.
A l'origine de la colère présidentielle, les critiques formulées par le général sur les 850 millions d'euros d'économies réclamés cette année aux armées, dans un contexte de restrictions budgétaires générales, avec une baisse prévue de 4,5 milliards d'euros des dépenses de l'État en 2017.
Après avoir sèchement recadré le général de Villiers la veille du défilé militaire du 14 juillet devant un parterre militaire interloqué, en reprochant à son chef d'état-major, sans le nommer, d'avoir mis de façon "indigne" une polémique budgétaire "sur la place publique", le président a enfoncé le clou dimanche. "Si quelque chose oppose le chef d'état-major des armées au président de la République, le chef d'état-major des armées change", a-t-il asséné dans une interview.
Mercredi, M. Macron a une nouvelle fois justifié les mesures d'économie imposées à l'armée, assurant que le budget retenu "permet de protéger le pays".
Personnalité intègre et rugueuse, apprécié de ses hommes, Pierre de Villiers, 60 ans, s'était exprimé dans un langage fleuri quelques jours auparavant, à huis clos, devant des députés à l'Assemblée nationale, assurant qu'il n'allait pas se "laisser baiser" et que la situation des armées françaises n'était "pas tenable".
En poste depuis 2014, il se plaignait régulièrement de l'insuffisance des moyens alloués à l'heure où la France est engagée sur plusieurs fronts contre le jihadisme et la menace terroriste, du Sahel (opération Barkhane, 4.000 hommes) au Moyen-Orient (mission Chammal, 1.200) en passant par le territoire national (opération Sentinelle, 7.000).
Jusqu'à présent pourtant, les relations entre les militaires et le nouveau président étaient au beau fixe, M. Macron ayant multiplié les signaux favorables en leur direction: visite à des blessés de guerre le jour de son investiture, déplacement sur la base militaire française de Gao, au Mali, ou encore, plus récemment, hélitreuillage à bord d'un sous-marin nucléaire...
Au-delà des symboles, le chef de l'État, qui est aussi chef des armées de par la Constitution, s'est engagé à consacrer 2% du PIB à l'effort de défense d'ici à 2025.
La démission du général de Villiers a redonné du tonus à l'opposition: à droite, les députés Les Républicains (LR) ont dénoncé "la dérive d'un pouvoir personnel" tandis que la présidente du parti d'extrême droite Front national, Marine Le Pen, voit dans cet épisode l'illustration des "limites très inquiétantes de Monsieur Macron".
Pour le chef du groupe Nouvelle gauche (ex-PS et apparentés) à l'Assemblée, le député socialiste Olivier Faure, il y a "une crise de confiance entre les armées et le chef de l'État qui s'est rendu coupable d'une humiliation inutile pour un homme qui n'avait fait que son devoir".
"Ce qui est fondamental, c'est que le budget de la Défense est le seul dont on connaisse la hausse sur cinq ans", a rétorqué le député Gilles Le Gendre, porte-parole de la majorité présidentielle à l'Assemblée nationale.
Emmanuel Macron a promis d'augmenter le budget défense en 2018, à 34,2 milliards d'euros contre 32,7 milliards cette année.
Avec AFP