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Démission choc en Tunisie à sept mois des élections municipales


Le Premier ministre Mehdi Jomaa (au centre) et le chef de l'instance électorale Mohamed Chafik Sarsar (à gauche) visite un bureau de vote dans la région de Nabeul, en Tunisie, le 25 octobre 2014.
Le Premier ministre Mehdi Jomaa (au centre) et le chef de l'instance électorale Mohamed Chafik Sarsar (à gauche) visite un bureau de vote dans la région de Nabeul, en Tunisie, le 25 octobre 2014.

Le président de l'Instance électorale tunisienne, Chafik Sarsar, a démissionné mardi avec fracas à sept mois des premières municipales de l'après-révolution, en laissant entendre qu'il ne pouvait plus travailler de manière "impartiale" et "transparente".

Créée après la chute de la dictature en 2011, l'Instance supérieure indépendante électorale (Isie) est chargée de préparer la tenue de ce scrutin essentiel pour la poursuite du processus démocratique dans l'unique pays rescapé du Printemps arabe. Elle jouit d'une solide réputation après avoir déjà mené à bien les législatives et présidentielle de 2014.

La démission de son patron, une personnalité respectée, a fait l'effet d'un coup de tonnerre dans un contexte politique et social déjà tendu. Elle intervient alors que les spéculations se multiplient à la veille d'un discours du président Béji Caïd Essebsi, dont la teneur n'est pas connue.

"C'est une surprise pour tout le monde. Nous regrettons cette décision (...), nous ne savons pas ce qui s'est passé", a affirmé à la radio Shems FM une conseillère du président, Saïda Garrach.

"Quelle qu'en soit la raison (...), c'est un fait grave qui aura d'importantes répercussions. L'Isie est l'une des rares instances institutionnelles indépendantes de la nouvelle Tunisie", a réagi auprès de l'AFP l'analyste Selim Kharrat.

'Grands conflits'

Chafik Sarsar a annoncé son départ ainsi que celui du vice-président, Mourad Ben Mouelli, et d'une autre membre, Lamia Zargouni, lors d'une conférence de presse. Dix employés administratifs ont aussi jeté l'éponge, a indiqué une responsable de l'Isie sous couvert de l'anonymat.

"Conformément au serment" selon lequel "nous nous engageons à oeuvrer à des élections libres et transparentes, et à mener notre devoir avec indépendance et impartialité (...), nous avons décidé de démissionner", a déclaré M. Sarsar, la voix tremblante.

"Nous avons été contraints à cette démission", a-t-il ajouté, en évoquant des conflits internes "touchant aux valeurs et principes sur lesquels se fonde la démocratie".

Il n'a pas donné plus de détails et était ensuite injoignable.

Sollicitée par l'AFP, Mme Zargouni s'est contentée d'évoquer de "grands conflits au sein" de l'Instance.

Sur la radio Mosaïque FM, un autre membre, Nabil Baffoun, s'est dit "aussi surpris que tout le monde", estimant que les différends pouvaient être résolus et appelant M. Sarsar à "revenir sur sa décision".

Mais sous le couvert de l'anonymat, un autre membre a expliqué les démissions par le fait que certains au sein de l'Isie "veulent orienter le travail vers des intérêts précis".

Et un employé de l'Instance, sortant d'une réunion avec M. Sarsar peu après son point de presse, a dit à l'AFP que ce dernier refusait d'être "témoin de fraudes".

M. Sarsar a mis tout son poids ces derniers mois pour accélérer la tenue des premières municipales de l'après-révolution. Attendues de longue date afin de consolider la transition démocratique, elles ont été fixées au 17 décembre.

Interrogé par l'AFP, le ministre chargé des relations avec les instances constitutionnelles, Mehdi Ben Gharbia, a insisté sur la volonté du gouvernement de respecter ce calendrier.

"C'est important pour le processus" démocratique, a-t-il dit, exhortant lui aussi Chafik Sarsar à rester en poste.

M. Sarsar a dit qu'il continuerait de travailler jusqu'à l'élection des trois nouveaux membres.

'Pas sereine'

Le "choc" de sa démission s'ajoute à "un contexte politique déjà tendu", du fait notamment "d'une nouvelle tentative de la présidence de faire passer un projet de loi décrié sur la réconciliation" économique, a souligné Selim Kharrat. "La situation n'est pas sereine", a-t-il poursuivi.

Si la Tunisie est parvenue à faire avancer sa transition démocratique, elle reste engluée dans la morosité économique et sociale.

Entré en fonctions il y a moins d'un an, le gouvernement de Youssef Chahed est à son tour confronté à la montée de mouvements sociaux, comme à Tataouine (sud), Kairouan (centre) ou encore au Kef (nord-ouest).

Mardi, M. Chahed a indiqué qu'il réunirait les partis et organisations signataires de l'"accord de Carthage" ce jeudi. Conclu en 2016, cet accord a permis la formation de son gouvernement dit "d'union nationale".

Le mois dernier, M. Chahed a été contraint de se séparer de deux ministres (Finances et Education). Et pour la première fois, il a lui-même fait l'objet de rumeurs de démission, toutefois rapidement balayées.

Avec AFP

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