La campagne électorale s'est achevée samedi 31 octobre en Turquie, à la veille de législatives qui ne devraient pas permettre au très contesté régime islamo-conservateur de reprendre son règne sans partage sur un pays déchiré.
Durant cette dernière journée de campagne, le Premier ministre sortant Ahmet Davutoglu et ses rivaux de l'opposition ont mobilisé une dernière fois leurs troupes avec l'espoir de faire mentir les sondages. Ces derniers pronostiquent la répétition des résultats sortis des urnes il y a cinq mois : de 40 à 43 % des intentions de vote pour le Parti de la justice et du développement (AKP), un score insuffisant pour gouverner seul.
Le 7 juin, le parti du président Recep Tayyip Erdogan avait essuyé un sérieux revers. Bien qu'arrivé en tête avec 40,6 % des voix, il avait perdu la majorité absolue qu'il détenait depuis 13 ans au Parlement, plongeant la Turquie en pleine instabilité.
Ce revers a sonné, provisoirement, le glas de l'ambition du chef de l'Etat d'imposer une "superprésidence" aux prérogatives renforcées. Convaincu de pouvoir se "refaire", l'homme fort de la Turquie a laissé s'enliser les discussions pour la formation d'une coalition et convoqué des élections anticipées.
Davutoglu promet un "jour de victoire"
"La Turquie a besoin d'un gouvernement fort et malin en cette période critique", a lancé M. Davutoglu devant des milliers de partisans à Ankara. "Nous allons définitivement débarrasser la Turquie de la terreur, des affrontements, de la violence et de l'adversité", a-t-il ajouté, promettant dimanche un "jour de victoire" pour son parti.
Ces dernières semaines, la deuxième campagne électorale de l'année s'est déroulée dans une atmosphère âpre, marquée par une montée spectaculaire des violences : conflit avec les rebelles kurdes dans le sud-est du pays, attentat-suicide de l’organisation Etat islamique à Ankara le 10 octobre, etc.
Même s'il a cette fois renoncé à faire ouvertement campagne comme en juin, le président turc a continué à peser de tout son poids pour un "gouvernement d'un seul parti".
"Cette élection doit permettre de maintenir la stabilité et la confiance", a répété samedi M. Erdogan devant la presse. "Si Dieu le veut, les électeurs voteront demain pour protéger notre unité nationale sans céder aux organisations terroristes."
L'opposition dénonce la dérive "autocratique" d'Erdogan
Depuis des semaines, l'opposition a réclamé la fin de son "règne d'un seul homme".
"La culture du compromis est une règle de base de la démocratie. Nous la soutenons. Mais si quelqu'un veut imposer sa seule loi, ce qu'il dit devient source de tensions", a déploré le chef de l'opposition social-démocrate Kemal Kiliçdaroglu à Istanbul.
Son homologue nationaliste Devlet Bahçeli a critiqué à Adana (sud) la dérive "autocratique" de M. Erdogan, accusé d'avoir "violé la Constitution".
Dans ce contexte, les analystes politiques doutent des résultats des nouvelles discussions de coalition qui s'annoncent et anticipent déjà, en cas d'échec, un nouveau scrutin dès le printemps prochain.
Près de 400.000 policiers et gendarmes ont été mobilisés pour assurer la sécurité du scrutin, notamment dans le sud-est à majorité kurde.
Les états-majors des principaux partis ont annoncé la mobilisation de centaines de milliers de leurs militants pour éviter toute fraude.
La police turque a par ailleurs renforcé samedi la protection autour du siège du journal d'opposition Cumhuriyet à Istanbul en raison de menaces d'attentat jihadiste.
Avec AFP