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Des associations caritatives camerounaises luttent pour l'inclusion scolaire des autochtones


Les bâtiments du Fondaf, le foyer Notre-Dame-de-Lolabè au sud du Cameroun, le 30 octobre 2021.
Les bâtiments du Fondaf, le foyer Notre-Dame-de-Lolabè au sud du Cameroun, le 30 octobre 2021.

Un plan national de développement des peuples autochtones est en gestation.

Au Cameroun, le taux de scolarisation de la population autochtone se situe à 9,2% pour les enfants âgés de 3 à 5 ans. Pour inverser la tendance, une méthode d’apprentissage appelée ORA (observer, réfléchir, agir) est appliquée aux enfants issus des minorités ethniques.

C'est par cette méthode que les enfants Bagyeli, un des quatre peuples autochtones du Cameroun, apprennent la langue française avant d’intégrer le cycle primaire.

C’est ainsi que Carole, âgée de 5 ans, qui a passé deux années au sein du Foyer Notre Dame de la Forêt de Bipindi (Fondaf), peut d’ores et déjà chanter en langue française.

"Quand cette enfant est venu fraîchement de la forêt, elle ne savait ni lire, ni écrire", se souvient Samuel Samba, encadreur et éducateur des petits-enfants Bagyeli au Fondaf de Bipindi.

Le foyer est un centre d’éducation de base

La première année d’apprentissage par la méthode ORA, précise Samuel Samba, "nous parlons beaucoup plus la langue et ce que les enfants vivent chaque jour au village mais en ajoutant un peu de français. Par exemple, si l'enfant appelait le couteau au village 'ntumu', nous on va lui dire que c'est bien le 'ntumu' mais en français ça s'appelle le couteau".

Au cours de la deuxième année, l’encadreur met plus d’accent sur l’apprentissage en langue française, ceci pour préparer ces enfants aux notions de l’école primaire.

A Bipindi, c’est l’école Saint Jean Baptiste de la Mission Catholique qui accueille les enfants bagyelis du Fondaf admis au cycle primaire normal au sortir de deux années d’apprentissage à ORA 1 et 2.

"Ces enfants captent vite, ils sont très intelligents parce que quand on évalue les élèves, le plus souvent ce sont plutôt les enfants bagyeli qui occupent les cinq premiers rangs", confie à VOA Afrique Tobie Nzene, directeur de l'école.

La méthode d’apprentissage ORA a été introduite au Cameroun par le Hollandais Antoine Huysman.

Cette méthode a favorisé "le relèvement du taux de scolarisation des Bagyeli qui comptent à ce jour 3 étudiantes dans les universités privées et d’Etat", selon Jeanne Biloa, présidente de Bacuda, l’association culturelle pour le développement des Bagyeli.

"Avant, on arrêtait les enfants pour aller les inscrire à l’école, de nos jours, on observe un engouement des parents à laisser leurs enfants fréquenter les écoles, cela va beaucoup aider les communautés qui ne seront plus dupées par le premier venu dans le but de s’accaparer par exemple de leurs forêts, parce qu’il n’y a personne qui sait lire et écrire", ajoute Jeanne Biloa.

Un rythme de vie non adapté

Une étude menée par une coalition d’ONG du secteur de l’éducation a révélé que le rythme de vie des enfants Bagyeli n’est pas adapté au calendrier scolaire officiel.

Pour les Bagyeli, la forêt est un milieu naturel, et l’on trouve rarement d’écoles construites par le gouvernement à côté de leur campement.

"Quand les parents vont à la pêche, à la chasse, ou à la cueillette en forêt, les enfants aussi les suivent, alors pour éviter cette déperdition scolaire, nous on prend les enfants, on les garde à l’internat et ça permet que les parents continuent leur vie nomade, ainsi les enfants vont vraiment à l’école", explique Luiz Nkomy, directrice du Foyer notre dame de la forêt.

Grâce aux dons caritatifs, la prise en charge d'un enfant Bagyeli coûte 180.000 francs CFA par an au foyer, affirme la directrice.

Le paradoxe du citoyen apatride

Aux défis liés au mode de vie s'ajoute une difficulté administrative: beaucoup d’enfants issus des communautés autochtones n’ont pas d’acte de naissance.

En septembre dernier, 90 demandes d’actes de naissance introduites auprès du tribunal de Kribi par la responsable du foyer étaient encore sans suite.

"On demande aux parents de fournir leur carte nationale d’identité, ce qu’ils n’ont pas", explique Luiz Nkomy.

Un plan national de développement des peuples autochtones est en gestation. À l’horizon 2025, selon la ministre des Affaires sociales, il devrait permettre aux peuples autochtones de jouir de tous leurs droits.

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