L'enquête française dite des "biens mal acquis", qui porte sur les conditions d'acquisition de riches patrimoines en France par des chefs d'Etat africains, a conduit à la saisie de biens immobiliers appartenant à la famille de l'ex-président gabonais Omar Bongo et de son successeur et fils Ali Bongo.
Les juges ont récemment saisi une société civile immobilière, la SCI Emeraude, a-t-on appris vendredi auprès de sources judiciaire et proches du dossier.
Selon plusieurs sources, cette structure qui permet la détention d'un bien immobilier par plusieurs personnes est propriétaire d'une villa à Nice, sur la côte d'Azur, et d'un hôtel particulier à Paris, rue Dosnes, dans le chic et huppé XVIe arrondissement.
Par ailleurs, un bien immobilier appartenant à la famille de Denis Sassou Nguesso, président du Congo, et situé dans le XVIIe arrondissement à Paris, a également été saisi par les juges, ont précisé vendredi soir des sources judiciaire et policière.
L'enquête dite des "biens mal acquis" a pour origine les plaintes déposées à partir de 2007 par plusieurs associations anticorruption, comme Sherpa ou Transparency International. Elles dénonçaient des détournements de fonds publics ayant permis à des chefs d'Etat africains de se constituer d'importants patrimoines en France. Elles visaient le Gabon, présidé à l'époque par Omar Bongo, le Congo et la Guinée-Equatoriale.
"Le président (Ali Bongo) l'a répété à plusieurs reprises, il ne possède pas de biens à titre personnel en France", avait affirmé la présidence gabonaise en mars 2013, après des perquisitions en France.
Des saisies ont déjà eu lieu concernant la famille de Denis Sassou Nguesso, qui cumule plus de 32 ans à la tête du Congo, et celle du président équato-guinéen Teodoro Obiang Nguema, au pouvoir depuis 1979, mais il s'agit des premières concernant le Gabon, selon le président de Sherpa, William Bourdon, interrogé par l'AFP.
"Enfin le chapitre Bongo s'ouvre. Il ne fait que commencer. Le triptyque va s'achever", s'est félicité Me Bourdon, également avocat de Transparency International France.
L'un des avocats du Gabon, Me Pierre Haïk, n'a pas confirmé l'information et n'a pas fait de commentaires.
Selon des éléments de l'enquête dont l'AFP a eu connaissance, la SCI Emeraude avait été créée en 1997. L'ancien président du Gabon, Omar Bongo, décédé en 2009, son épouse Edith, également décédée, et une fille d'Omar Bongo, Pascaline, en ont détenu des parts.
Cette SCI avait acquis l'hôtel particulier de la rue Dosnes pour 23 millions de francs (3,5 millions d'euros) et la villa Saint-Ange à Nice en 1999 pour 11,5 millions de francs (1,75 million d'euros environ), selon ces éléments de l'enquête.
Les juges ont mis en examen (inculpé) la gérante de cette SCI, une femme de nationalité française, pour recel de blanchiment de détournement de fonds publics.
Les juges d'instruction, aidés par les enquêteurs de l'Office central de répression de la grande délinquance financière (OCRGDF), ont listé de nombreux autres biens appartenant à la famille Bongo.
Selon un document sur les "biens mal acquis" publié en 2009 par Transparency International France, la famille Bongo et ses proches possédaient à l'époque en France "33 propriétés, la plupart dans les quartiers les plus chics de Paris, les autres sur la Côte d'Azur".
Les contours de l'héritage d'Omar Bongo, dont Ali Bongo est légataire universel, sont encore mal cernés, mais les actifs identifiés se monteraient à plusieurs centaines de millions d'euros.
En août 2015, Ali Bongo avait annoncé son intention de donner sa part d'héritage à "la jeunesse gabonaise". Il avait alors assuré que seraient cédés à l'Etat "pour le franc symbolique" deux hôtels particuliers à Paris ayant appartenu à son père, et qui sont au coeur de l'enquête sur les "biens mal acquis".
Dans un autre volet de la procédure, les juges ont mis en examen le fils du président équato-guinéen, Teodorin Obiang, pour blanchiment de détournement de fonds publics, abus de biens sociaux et abus de confiance. L'instruction dans son cas est terminée et le parquet national financier (PNF) doit désormais prendre ses réquisitions avant que les juges ne décident de son renvoi ou non en correctionnelle.
Avec AFP