Dans la nuit du Nouvel An, des hommes armés, soupçonnés d'être des jihadistes, ont attaqué le village de Yirgou-Foulbè, dans la commune de Barsalogho (centre nord), tuant sept personnes de la communauté mossi, majoritaire au Burkina, dont le chef de village, avant de prendre la fuite.
Dans la foulée, les villageois s'en sont pris à des membres de la communauté peule dans différentes localités de la région. Le président Roch Marc Christian Kaboré s'était rendu sur place pour apaiser la tension. Le bilan officiel est de 49 morts, mais des sources peules estiment qu'il y a eu plus de 70 morts.
A l’appel du collectif contre l’impunité et la stigmatisation (CISC), les manifestants se sont rassemblés sur la place de la Nation avant d’arpenter les artères de la capitale.
Sur des pancartes et banderoles, on pouvait lire : "Devoir de justice pour Yirgou, Droit de vivre pour tous au Faso", "Touche pas à notre vivre ensemble", "Non aux violences communautaires" ou "Plusieurs communautés, un seul Faso".
Comme au Mali, au Niger et au Nigeria, les tensions dégénèrent périodiquement en violences entre communautés agricoles et Peuls, traditionnellement éleveurs, souvent nomades, présents dans toute l'Afrique de l'Ouest. Comme certains Peuls ont rejoint les groupes jihadistes qui ont tué plus de 270 personnes depuis 2015, il est fréquent de voir des Burkinabè faire l'amalgame entre jihadistes et Peuls.
Le bilan est de "72 morts auquel s’ajoutent des personnes disparues, plus de 2.000 personnes déplacées, des concessions brulées, des troupeaux emportés par les bourreaux membres des groupe d’autodéfense", a assuré l’avocat du collectif, Me Ambroise Farama.
"Il y a un massacre à Yirgou, et jusqu’à ce jour aucun commanditaire, aucun coupable n’a été arrêté et donc nous sommes inquiets que justice ne soit pas rendue à ces victimes", a ajouté l'avocat. "Nous voulons condamner toutes les formes d’injustice, nous voulons appeler le peuple burkinabè à se réveiller et à mettre fin à toutes les formes de stigmatisation afin que nous puissions préserver la sérénité sociale."
"Nous exigeons une enquête pour comprendre pourquoi 72 heures après le début du massacre, alors que tout le monde était informé, aucune action n’avait été posée pour stopper le massacre", a ajouté Me Farama.
"Le CISC exige vérité et justice pour les victimes du double drame de Yirgou, les victimes des attaques terroristes et les victimes de toutes les formes de stigmatisation".
Pour Me Farama, "le drame de Yirgou pose l’épineux problème de l’incapacité du gouvernement à faire face aux attaques terroristes, à assurer la sécurité des biens et des personnes, mais aussi et surtout celui de la stigmatisation de certaines communautés ethniques".
"Aucun criminel n’a été inquiété jusqu’à présent. Cette marche-meeting a pour objectifs de réunir tous les citoyens pour montrer qu'il n’y a pas de distinction ethnique", a déclaré le porte-parole du CISC, Dr Daouda Diallo, appelant à "éviter le délit de faciès".
"Il est temps de crever l’abcès afin d’épargner notre pays une guerre civile qui couve", a-t-il ajouté.
"Ca fait très mal de voir des gens d’une même nation s’entretuer comme cela. En tant que mère j’ai honte que nos enfants voient une telle image", a réagi Mme Himdatou Hamadou, une Peule de la région du Nord, venue manifester.
"Ce qui est arrivé aux peuls n’est pas arrivé qu’aux peuls seulement, c’est arrivé à tous les Burkinabè et à toutes les ethnies du Burkina Faso. Le gouvernement a promis que justice sera rendue"", a déclaré le porte-parole de la communauté bobo, Yacouba Sanou, saluant la présence à la marche de "60 autres ethnies du pays".
Les violences intercommunautaires au Mali voisin ont fait plus de 500 morts civils en 2018, selon l'ONU.