L'annonce de leur détention a été faite par l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) au surlendemain d'une frappe contre leur centre de Tajoura, en pleine bataille entre forces rivales pour le contrôle de Tripoli.
En lutte pour le pouvoir dans un pays plongé dans le chaos depuis 2011, les forces du maréchal Khalifa Haftar cherchent depuis trois mois à conquérir Tripoli mais font face à une résistance des troupes du Gouvernement d'union nationale (GNA) reconnu par l'ONU et basé dans la capitale libyenne.
L'ONU a maintes fois exprimé son inquiétude sur le sort de milliers de migrants et réfugiés "en danger dans des centres de détention situés près de zones de combats".
Le ministre de l'Intérieur Fathi Bachagha a affirmé dans un communiqué que le GNA envisageait "la fermeture des centres d'hébergement et la libération des migrants clandestins pour préserver leur vie et leur sécurité".
Après la mort de 44 migrants dans un raid aérien mardi soir contre leur centre à Tajoura, une banlieue est de Tripoli, quelque 300 migrants y sont toujours détenus, selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM).
Sur les plus de 600 migrants en grande majorité africains qui étaient dans le centre, "300 sont encore sur place" et bénéficient d'une assistance humanitaire de l'OIM, a affirmé à l'AFP Safa Msehli, chargé de communication au sein du bureau de l'OIM en Libye.
- "Souffrances intolérables" -
Mme Msehli n'était pas en mesure de confirmer des informations selon lesquelles des dizaines de migrants auraient pris la fuite mardi après le raid qui a détruit l'un des cinq hangars du centre.
Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l'ONU (OCHA) qui cite des rescapés, les gardes du centre ont tiré sur des migrants qui essayaient de fuir après un premier bombardement, sans faire de victime.
Quelque 130 migrants ont été également blessés dans le raid attribué par le GNA aux forces du maréchal Khalifa Haftar qui ont démenti.
Parmi les victimes figurent des migrants algériens, marocains, soudanais, somaliens et mauritaniens, ainsi que d'autres nationalités africaines, a indiqué à l'AFP Amin al-Hachmi, un porte-parole du ministère de la Santé du GNA.
L'OIM a précisé que ses équipes avaient "localisé" dans les quartiers environnants un groupe de migrants blessés qui avaient quitté Tajoura après l'attaque.
Le raid "a coûté la vie à des innocents, et toutes les parties doivent agir immédiatement", a déclaré le chef de mission de l'OIM en Libye, Othman Belbeisi, dans un communiqué.
"Les souffrances des migrants en Libye sont devenues intolérables. Il doit être clair pour tous que la Libye n'est pas un endroit sûr et que des milliers de vies sont toujours en danger", a-t-il ajouté.
- Divisions internationales -
Selon l'OIM, 187 des migrants détenus à Tajoura étaient inscrits à son programme de "retour volontaire". "L'OIM continue de demander la fin de la détention arbitraire et rappelle à toutes les parties que les civils ne sont pas une cible".
D'après l'ONU, les centres de détention en Libye comptent 5.700 réfugiés et migrants, dont 3.300 sont en position de vulnérabilité face à des combats dans et autour de Tripoli.
Malgré une insécurité persistante avec des luttes de pouvoir et des milices qui font la loi depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi après une révolte en 2011, la Libye reste un important point de transit pour les migrants en grande partie africains fuyant conflits et instabilité pour joindre l'Europe.
Et les agences de l'ONU et organisations humanitaires rappellent régulièrement leur opposition à ce que les migrants arrêtés en mer soient ramenés en Libye en raison du chaos qui y sévit.
Mettant à profit l'indécision internationale, les deux camps rivaux libyens restent persuadés de pouvoir l'emporter grâce à leurs soutiens : le maréchal Haftar, homme fort de l'Est, est soutenu notamment par les Emirats arabes unis et l'Egypte, tandis que le GNA bénéficie de l'appui de la Turquie.
Et une nouvelle fois, la communauté internationale s'est montrée divisée sur la Libye, avec le blocage mercredi par les Etats-Unis de l'adoption au Conseil de sécurité de l'ONU d'une condamnation du carnage de Tajoura.
Une position qui atteste selon des experts du soutien désormais affiché de l'administration de Donald Trump à M. Haftar.