Plus de 6.400 moustiques ont été génétiquement modifiés avec le projet "Target Malaria Burkina Faso" puis ils ont été lâchés début juillet dans le village de Bana à l’Ouest du pays.
Certains Burkinabè ne cachent pas leurs inquiétudes et parlent d'une "expérience dangereuse".
L'action vise à éliminer à terme la nuisance de l’anophèle femelle comme l'explique le Docteur Abdoulaye Diabaté, entomologiste et directeur du projet "Target Malaria" : "l’objectif était de pouvoir recueillir le maximum de données scientifiques possible sur ces moustiques, leurs mouvements, leur longévité, leur participation aux essaims et leur accouplement avec les autres moustiques sur le terrain", souligne Abdoulaye Diabaté.
Le projet est maintenant sur le terrain, après sept années de recherche. "Nous venons de franchir la toute première étape qui est le lâcher des mâles stériles, les moustiques n’ont pas vocation à pouvoir rester dans la nature", raconte le chercheur. "Ces moustiques n’ont pas la capacité de transmettre ce gêne à leur descendance prochaine. Cela va nous rapprocher de l’étape finale dans 5 ou 6 ans".
Une expérience dangereuse à terme pour les Burkinabè juge le militant anti-OGM, président du collectif citoyen pour l’agro-écologie "Terre-à-vie", Ali Tapsoba.
"Les inquiétudes portent sur les 6.400 moustiques lâchés... Peuvent-ils engendrer d’autres types de maladies au niveau de la population", s'interroge-t-il. "Notre objectif est d'empêcher d'avoir ces moustiques génétiquement modifiés dans la nature".
L’introduction de ces moustiques génétiquement modifiés, inquiète aussi le certains citoyens.
"Ça me laisse perplexe dans la mesure où il y a beaucoup de savants qui sont en train de mener des recherches pour voir si les OGM n’ont pas d’autres impacts sur l’environnement et sur la santé des hommes beaucoup plus tard", confie un Burkinabè à VOA Afrique.
Le projet a pourtant reçu l'autorisation de mener ses travaux par l’Agence nationale de Biosécurité en 2016.
"Nous avons très bien recherché l’ensemble de ces sites, pour avoir une connaissance approfondie des différentes espèces des moustiques qui évoluent dans l’environnement dans lequel nous sommes en train de travailler, les espèces impliquées dans la transmission du paludisme, et le comportement de vol et de dispersion et la longévité", estime le directeur de "Target Malaria" Abdoulaye Diabaté.
L’expérience n’aurait pas dû se passer de la sorte, affirme le généticien en retraite de l’Université de Ouagadougou, le professeur Jean Didier Zongo.
"On n’a pas fini d’expérimenter et on va commencer à diffuser dans la nature. Il aurait fallu attendre d’avoir les résultats définitifs pour être sûr qu'on pouvait le faire", souligne-t-il.
Lancé en 2012, le projet "Target Malaria" vise -à travers des solutions innovantes- à modifier les gênes des moustiques transmettant le paludisme.
La maladie a causé 4000 décès en 2016, dont 3000 chez les enfants de moins de 5 ans selon le programme national de lutte contre le paludisme. C'est aujourd’hui la première cause de consultation d’hospitalisation et de décès au Burkina Faso.