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Des reporters en exil tentent de se reconstruire à Paris dans la Maison des journalistes


"Le journaliste n'est pas un crime", indique le panneau dans un bureau à Paris, le 9 octobre 2018.
"Le journaliste n'est pas un crime", indique le panneau dans un bureau à Paris, le 9 octobre 2018.

"Si je rentre dans mon pays, ma maison sera la prison": animateur radio engagé contre la corruption en Mauritanie, Mamoudou Baidy Gaye a trouvé refuge à la Maison des journalistes de Paris, un lieu unique d'accueil de reporters persécutés pour leur travail.

Dans sa chambre d'une dizaine de m2 où il est hébergé en attendant d'obtenir son statut de réfugié, Mamoudou Baidy a conservé diplômes et récompenses accumulés tout au long d'une carrière dédiée à la lutte "contre la corruption et la censure".

"Le micro me manque", confie cet ancien chroniqueur télé et radio, même s'il sait qu'un retour en Mauritanie serait trop risqué. "La police m'a interpellé et tabassé à plusieurs reprises".

En attendant, la Maison des journalistes (MDJ) lui permet "de garder espoir et de continuer un peu dans ce métier".

Créée en 2002 dans le Sud de Paris par la journaliste Danièle Ohayon et le réalisateur Philippe Spinau, la MDJ est une structure sans équivalent au monde qui accueille et accompagne dans leurs démarches d'asile les professionnels des médias persécutés dans leur pays.

Au total, l'association financée et parrainée par des dons de différents médias français, dont l'AFP, accueille 14 journalistes étrangers.

Zaher al Zaher, un photographe reporter syrien arrivé à la MDJ il y a trois mois, dit être devenu "journaliste activiste" pendant la révolution qui a éclaté dans son pays en 2011 contre le régime de Bachar al-Assad, et qui a abouti à une sanglante guerre civile.

Les cicatrices sur ses bras en disent long sur ce qu'il a enduré dans son pays: la destruction par les flammes de sa maison, la mort de certains de ses proches, les mois passés en prison ou encore sa fuite en Turquie, avant son arrivée en France.

Tous comme les autres résidents passés entre ces murs, Zaher rêve de continuer son métier de journaliste et profite des différentes activités proposées par l'association, notamment des cours de français, pour préparer l'avenir.

Baby-sitter

Mais la barrière de la langue et le marché de l'emploi en berne dans la presse contraignent la majorité de ces journalistes en exil à se reconvertir, au moins provisoirement.

"Maintenant je suis baby-sitter", témoigne ainsi, amère, Thelma Chikwanha, une Zimbabwéenne de 40 ans.

"Si je dois faire du baby-sitting pour vivre je le ferai mais je n'abandonnerai jamais le journalisme, payée ou non", ajoute-elle, assurant continuer d'alimenter son blog chaque semaine.

Après des dizaines de candidatures envoyées à des médias, cette journaliste politique regrette toutefois que son passage à la MDJ n'ait pas débouché sur une reprise de son activité.

"Il y en a qui ont du mal à faire le deuil de leur métier. C'est un déchirement mais ça fait partie de l'exil", explique la directrice de la Maison, Darline Cothière, se remémorant une journaliste afghane devenue caissière ou ce journaliste arménien un temps reconverti en chauffeur, qui refusait les cours de français dispensés par l'établissement à son arrivée.

"Avec les psychologues, on a compris que, pour lui, c'était une forme de résistance. Il n'avait pas choisi d'être là, c'est la répression qui continuait", explique-t-elle.

Pour "résister", Mamoudou Baidy dit passer ses journées dans sa chambre à écrire pour "l'Oeil de l'exilé", le journal en ligne de la MDJ, et pour le site mauritanien Cridem.

"L'écriture me permet de voir la vie d'une autre façon et de continuer le militantisme", assure-t-il.

En seize ans, l'association a accueilli quelque 400 journalistes. Seuls deux retours au pays ont été recensés, tous deux en 2011: un journaliste tunisien et un journaliste ivoirien, après la chute des présidents Ben Ali et Gbagbo.

En 2018, trois journalistes originaires de Bahreïn, du Zimbabwe et du Kazakhstan ont rejoint la Maison.

Avec AFP

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