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Des villageois accusent une usine chinoise de polluer leur côte en Gambie


Une femme pose ses poissons séchés sur un vêtement pour les vendre au marché de Serekunda, en Gambie, le 3 décembre 2016.
Une femme pose ses poissons séchés sur un vêtement pour les vendre au marché de Serekunda, en Gambie, le 3 décembre 2016.

Lorsqu'une fabrique chinoise de farine de poisson s'est installée dans leur village, les habitants de Gunjur, en Gambie, se sont réjouis. Mais les déchets qu'elle rejette détruisent la faune et la flore aquatiques, selon la population et des organisations écologiques.

Arrivé au pouvoir en janvier après 22 ans du régime sans partage de Yahya Jammeh, le président Adama Barrow est soucieux d'attirer les investissements, notamment chinois, pour relancer l'économie de ce petit pays d'Afrique de l'Ouest.

La Gambie et la Chine n'ont rétabli leurs relations diplomatiques qu'en mars 2016, mais le géant asiatique était déjà l'un des premiers partenaires commerciaux de Banjul.

En septembre, une entreprise chinoise spécialisée dans la farine de poisson destinée à la consommation d'animaux d'élevage a ouvert une pêcherie, baptisée Golden Lead, à Gunjur, au sud de la capitale.

"Quand l'usine s'est implantée ici, beaucoup de gens étaient contents, moi y compris", se souvient Badara Bajo, directeur de la Société de protection de l'environnement et de développement de Gunjur (EPDGG). "Nous avons pensé que cela créerait des possibilités d'emploi et peut-être des revenus stables pour les habitants".

Mais au bout de quelques mois d'activité, la population a commencé à remarquer une odeur nauséabonde, puis des traces rouges dans l'eau, avant de retrouver des bancs de poissons morts sur le rivage. Les nageurs du lagon ont aussi commencé à se plaindre de problèmes de peau.

"L'usine est très proche du lagon, lui-même voisin de la réserve naturelle que nous gérons depuis maintenant 22 ans", explique Badara Bajo. "La faune aquatique, comme le tilapia, les huîtres et même les crabes violonistes sont morts. La mangrove que notre association avait réintroduite a également beaucoup souffert".

Après des tentatives infructueuses de discuter avec les responsables de la société, le militant écologiste a organisé avec ses collègues fin mai une manifestation dans le village voisin de Kartong, où doit s'installer une autre usine chinoise.

De son côté, l'Agence nationale de l'environnement a engagé des poursuites le 14 juin, accusant Golden Lead de déverser ses eaux usées dans l'océan sans autorisation.

L'argent n'a pas d'odeur

Le directeur général de Golden Lead, Bakary Darboe, a "rejeté les accusations", ajoutant que la compagnie employait 64 personnes dans le secteur.

L'Agence a finalement retiré sa plainte début juillet, moyennant des promesses de réparations de l'entreprise.

"Le gouvernement a consenti à régler cette affaire à l'amiable", a indiqué à l'AFP la porte-parole de l'administration Barrow, Mme Amie Bojang-Sissoho. "La compagnie s'est engagée à retirer ses canalisations de la mer, réalisera une étude écologique globale et réparera les dégâts à l'environnement". Elle financera aussi des analyses de l'eau.

Le cas de Gunjur est un test du niveau de tolérance des autorités gambiennes aux retombées écologiques des investissements qu'elles souhaitent attirer, notamment les entreprises chinoises, souvent accusées par des experts de ne pas assez se préoccuper de l'environnement dans leurs opérations en Afrique.

Engagé dans une offensive de charme auprès de Pékin, Banjul n'aurait guère pu se permettre une longue bataille judiciaire autour du dossier de Golden Lead.

Le président Barrow a salué le 24 juillet au parlement la récente signature par sa ministre du Commerce, Isatou Touray, d'un accord commercial d'exemption de taxes avec la Chine.

Ce discours parle à des travailleurs du secteur, comme Alieu Saine, un pêcheur venu en mars de la région sénégalaise voisine de Casamance après avoir appris que Golden Lead achetait chaque jour des tonnes de poisson et qui dit s'être habitué à l'odeur.

"Contrairement aux autres poissonneries qui achètent à crédit, les Chinois payent comptant", souligne le pêcheur sénégalais, qui indique les avoir vus débourser jusqu'à 2 millions de dalasis (plus de 37.000 euros) par transaction avec leurs fournisseurs.

"Le gouvernement devrait encourager les Chinois à amener davantage d'entreprises comme celle-ci", estime-t-il, "pour occuper les jeunes et les détourner de la périlleuse migration illégale vers l'Europe", dans laquelle tant périssent en traversant le désert ou la Méditerranée.

Avec AFP

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