C'est un chèque d'un million de dollars pour financer l'investiture de Donald Trump qui a amené en juillet 2018 ce propriétaire d'un groupe hôtelier au poste très convoité d'ambassadeur auprès de l'Union européenne (UE).
Mais son passage à Bruxelles a été "une très mauvaise expérience", a-t-il admis mi-octobre lors d'une première audition à huis clos devant la commission d'enquête de la Chambre des représentants, à majorité démocrate.
Et le pire est peut-être à venir au vu des différents témoignages obtenus par les parlementaires, qui pourraient valoir au président une mise en accusation ("impeachment") devant le Sénat.
Ils dépeignent un ambassadeur au centre d'une diplomatie parallèle avec l'Ukraine, mise en place par l'avocat personnel de Donald Trump, Rudy Giuliani, et qui ne répond qu'au milliardaire républicain.
Avec l'envoyé américain pour l'Ukraine, Kurt Volker, et le ministre américain de l'Energie Rick Perry, Gordon Sondland forme un trio qui se surnomme les "Three Amigos", du nom d'une comédie potache des années 1980.
Leur mission: pousser l'Ukraine à enquêter sur des soupçons de corruption visant une grande société gazière locale, Burisma, et indirectement sur Joe Biden, possible adversaire démocrate de Donald Trump lors de la présidentielle de 2020.
- Pressions -
Dans un appel téléphonique controversé le 25 juillet, le président américain a demandé à son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky de se "pencher" sur le cas de l'ancien vice-président et de son fils Hunter Biden, alors membre du conseil d'administration du groupe Burisma.
Cette conversation, et la décision de la Maison Blanche de geler une aide militaire à l'Ukraine, sont au centre de la procédure d'"impeachment" visant le président.
Visiblement mal à l'aise lors de son premier témoignage sous serment à huis clos, Gordon Sondland avait esquivé de nombreuses questions, expliquant ne plus se rappeler de réunions ou d'échanges téléphoniques pourtant rapportés par d'autres témoins.
Il avait par exemple assuré n'avoir "pas participé" à des actions visant à "geler de l'aide afin de faire pression" sur Kiev. Selon lui, une telle attitude serait "inappropriée", voire "illégale", si elle avait comme but "d'influencer une élection américaine".
Mais face aux contradictions, il s'est subitement souvenu d'une conversation avec Andreï Yermak, un conseiller du président ukrainien.
M. Sondland a dit que "la reprise de l'aide américaine n'arriverait sans doute pas jusqu'à ce que l'Ukraine fournisse une déclaration publique contre la corruption dont nous parlions depuis de nombreuses semaines", a-t-il indiqué dans une déposition écrite complémentaire.
Le plus haut diplomate américain à Kiev, William Taylor, a enfoncé le clou la semaine dernière en évoquant des propos rapportés de M. Sondland, selon qui Donald Trump "s'intéressait" davantage à l'ouverture d'une enquête sur les Biden en Ukraine qu'à la situation dans ce pays aux prises avec une rébellion séparatiste pro-russe.
Plusieurs témoins ont aussi fait part de leur incompréhension face à l'implication de cet ambassadeur hors de sa zone.
- "Un peu inhabituel" -
"C'est un peu inhabituel que l'ambassadeur américain auprès de l'UE joue un rôle dans la politique vis-à-vis de l'Ukraine", qui n'est pas un Etat membre de l'Union, a expliqué William Taylor.
"Ce n'est pas un diplomate professionnel", a souligné Alexander Vindman, membre de l'influent Conseil de sécurité nationale, en rappelant que M. Sondland avait été brièvement évincé d'une délégation parce qu'il avait tendance à "improviser" et à "sortir du consensus".
Aux élus, M. Sondland a assuré que son rôle était "d'offrir (s)on opinion si cela pouvait aider" ses collègues au département d'Etat. Il a assuré avoir été missionné par le secrétaire d'Etat Mike Pompeo et John Bolton, alors conseiller présidentiel pour la sécurité nationale, présumant qu'ils agissaient sous l'autorité de Donald Trump.
Mais il a été plus direct avec la collaboratrice de M. Bolton, Fiona Hill, en lui annonçant en juin qu'il chapeautait le dossier ukrainien. "Je lui ai demandé sous quelle autorité? Il a répondu +le président+", a-t-elle dit à la commission menant l'enquête.
Originaire de Seattle, Gordon Sondland est à 62 ans le patron du groupe Provenance Hotels, qui compte 19 hôtels dans le nord-ouest des Etats-Unis.
Se décrivant comme un "républicain de toujours", il avait d'abord soutenu l'ex-gouverneur de Floride Jeb Bush pour la primaire républicaine de 2016, avant de se rallier à Donald Trump. Le président, qui avait récompensé sa loyauté et saluait un "grand Américain" début octobre, assurait un mois plus tard "à peine" le connaître.
Avec AFP