"Je jure devant Dieu et le peuple du Venezuela de faire respecter" la Constitution en tant que "président du Parlement et président par intérim", a déclaré après le scrutin Juan Guaido, qu'une cinquantaine de pays, dont les Etats-Unis, reconnaissent comme président par intérim depuis près d'un an.
Le secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo l'a félicité "pour sa réélection" à la tête du Parlement et a condamné "les efforts sans succès" du chef de l'Etat chaviste Nicolas Maduro "de nier la volonté de l'Assemblée nationale démocratiquement élue".
M. Maduro a quant à lui reconnu aussitôt le candidat rival Luis Parra, se réjouissant de ce que Juan Guaido ait été "évincé".
Avec sa double casquette, le leader de l'opposition entend continuer son "combat", jusque-là infructueux, pour chasser l'héritier politique d'Hugo Chavez, qu'il qualifie d'"usurpateur" depuis la présidentielle jugée "frauduleuse" de 2018.
Cent des 167 députés que compte l'Assemblée nationale lui ont apporté leur suffrage, dont certains sont poursuivis par la justice dans le cadre de ce que l'opposition qualifie de "persécution politique" de la part du pouvoir.
Le vote a été organisé au siège du journal El Nacional, dans le centre de Caracas, et non dans l'hémicycle. Car les forces de l'ordre ont empêché toute la journée Juan Guaido, des députés d'opposition et des journalistes d'accéder au Parlement.
A la mi-journée, en l'absence de Juan Guaido à l'Assemblée, Luis Parra, un député rival mais se disant toujours dans l'opposition, a empoigné un mégaphone depuis le perchoir et s'est déclaré nouveau chef de l'hémicycle dans une cohue indescriptible.
Pendant ce temps, l'armée et la police continuaient de refuser à Juan Guaido l'accès au bâtiment. L'opposant a tenté d'escalader les grilles qui l'entourent avant d'être repoussé par un soldat équipé d'un bouclier et bousculé par les militaires.
L'opposition, majoritaire au Parlement unicaméral, a vite fait part de son courroux quant au traitement réservé à Juan Guaido et au geste de Luis Parra. Le député a agi "sans vote, ni quorum", s'est-elle indigné, évoquant un "coup d'Etat parlementaire".
Le Groupe de Lima, une instance régionale formée dans le but de chercher une issue à la crise au Venezuela, a condamné le recours à la force pour empêcher l'accès au Parlement.
L'Equateur a protesté, dans un communiqué de son ministère des Affaires étrangères, contre "l'usage abusif de la force par le régime de Nicolas Maduro". Pour le gouvernement argentin, le recours à la force pour "empêcher" le fonctionnement de l'Assemblée législative revient à "se condamner à l'isolement international".
Washington, allié de Guaido, a parlé d'une tentative "désespérée" de le remplacer. Le Brésil a accusé Maduro "de bloquer par la force le vote légitime et la réélection de Juan Guaido".
-"Tu seras le passé"-
Depuis plusieurs semaines, Juan Guaido se disait certain d'être reconduit à la tête du Parlement et d'atteindre les 84 votes nécessaires à sa réélection.
Mais Luis Parra estime avoir été élu à la régulière. Il affirme que 81 députés sur 140 présents ont voté pour lui. Le député chaviste Pedro Carreño explique, lui, à l'AFP que la séance a eu lieu en présence de 150 élus, dont 84 ont voté pour Luis Parra, soit la majorité simple du Parlement.
Luis Parra a été exclu du parti d'opposition Primero Justicia après qu'un site internet l'a accusé d'avoir reçu des pots-de-vin. Malgré son exclusion, il affirme être toujours dans l'opposition.
Avant la séance, José Brito, un député d'opposition éclaboussé par la même affaire de corruption présumée, avait vigoureusement apostrophé Juan Guaido: "tu aurais pu incarner l'avenir, mais aujourd'hui tu es et tu seras le passé". Il avait alors annoncé la candidature de Luis Parra contre Juan Guaido.
Ce dernier affirme que le gouvernement a versé des pots-de-vin à des députés pour qu'ils tournent casaque.
Fort de son statut, Juan Guaido entend obtenir une deuxième chance pour poursuivre son bras de fer avec Nicolas Maduro, qu'il rend responsable de la crise économique et sociale que traverse le Venezuela.
Car l'opposant de 36 ans n'a pas atteint l'objectif proclamé début 2019 de "mettre fin à l'usurpation".
Les manifestations anti-Maduro attirent de moins en moins de Vénézuéliens et l'appel au soulèvement lancé par Juan Guaido le 30 avril à l'armée a fait long feu.
Et Nicolas Maduro continue de jouir de l'appui de la Russie, de Cuba et de la Chine mais surtout de l'armée, clef de voûte du système politique vénézuélien.
Dans la pratique, l'Assemblée nationale n'a plus aucun pouvoir. Le travail législatif est effectué depuis 2017 par une Assemblée constituante uniquement composée de chavistes.
Cette même Constituante est chargée de convoquer les élections législatives qui doivent avoir lieu cette année. Mais Juan Guaido et les partis qui le soutiennent affirment vouloir boycotter le scrutin car organisé par le gouvernement.
Avec AFP