Octavien Ngenzi, 60 ans, et Tito Barahira, 67 ans en juin, qui se sont succédé à la tête de leur bourg rural de l'est du Rwanda, ont toujours nié leur implication dans les massacres.
A l'issue de deux mois de procès, ils avaient été jugés coupables de "crimes contre l'humanité" et "génocide", pour "une pratique massive et systématique d'exécutions sommaires" en application d'un "plan concerté tendant à la destruction" du groupe ethnique tutsi.
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Leur condamnation était la seconde et la plus lourde prononcée en France en relation avec les massacres de 1994 au Rwanda, après celle - confirmée en appel - de l'ex-capitaine de l'armée Pascal Simbikangwa à 25 ans de réclusion, pour génocide et complicité de crime contre l'humanité.
Arrêtés en France, ils y ont été jugés en vertu de la compétence universelle des juridictions françaises pour les crimes les plus graves.
L'accusation avait situé les bourgmestres au coeur de la machine génocidaire: un Ngenzi "opportuniste", qui va "basculer du côté obscur", et un Barahira "granitique", qui "a nié l'existence du génocide".
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Echapperont-ils à la prison à vie? C'est l'enjeu majeur de ce second procès, vingt-quatre ans après les faits.
Le procès se tiendra dans la même salle qu'en première instance. Comme en 2016, les débats seront filmés pour l'histoire, des dizaines de témoins seront entendus, venus du Rwanda ou en visioconférence.
L'état de santé de Tito Barahira, toujours sous dialyse pour une insuffisance rénale, nécessitera des aménagements de l'audience, tout au long de ces huit semaines.
"Côte mal taillée"
Différence majeure: les accusés ont changé d'avocats.
"Ce qu'on cherche à obtenir, c'est l'équité et la sérénité des débats, que la parole soit plus donnée aux accusés", ont déclaré à l'AFP Fabrice Epstein et Benjamin Chouai, les avocats d'Octavien Ngenzi.
Ils ont vu dans le verdict "une côte mal taillée qui met les accusés dans le même sac sans distinction".
"On comprend mal cette condamnation à perpétuité quand on voit la jurisprudence du TPIR (Tribunal pénal international pour le Rwanda, qui a jugé les crimes les plus graves liés au génocide, NDLR) ou même l'affaire Simbikangwa", a estimé Alexandra Bourgeot, avocate de Tito Barahira.
En 2016, huit semaines de débats avaient donné à voir un génocide entre voisins, sur les collines où l'on participait autrefois ensemble aux travaux communautaires. Un crime de proximité, loin des centres du pouvoir, contrairement au procès de Simbikangwa, un homme influent de la capitale.
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Un contexte différent aussi: alors qu'en 2014 l'heure était au rapprochement entre le Rwanda et la France après trois ans de rupture des relations diplomatiques (2006-2009), les relations s'étaient à nouveau tendues entre les deux pays, Kigali accusant toujours Paris d'avoir armé les milices génocidaires.
A Kabarondo, le massacre le plus effroyable eut lieu le 13 avril à l'église, où des milliers de paysans tutsi s'étaient réfugiés, espérant gagner un sanctuaire, comme l'avaient été les lieux de culte lors des tueries précédentes depuis les années 1960. C'est pour ce massacre, mais aussi pour leur participation à des réunions préparatoires, des rafles ou des perquisitions chez des Tutsi que les deux hommes seront à nouveau jugés.
Comme ailleurs au Rwanda, où les tueries débutent peu après l'attentat contre le président hutu Juvénal Habyarimana le 6 avril 1994, les massacres gagnent vite Kabarondo. Mais au village, où tout le monde se connaît, ce sera un génocide éclair.
Selon l'ONU, plus de 800.000 personnes, des Tutsi dans leur immense majorité, ont été tuées en cent jours à travers le pays. Plus de 2.000 en un seul jour à l'église de Kabarondo, selon son curé, Oreste Incimatata, qui s'est souvenu des "bébés tétant le sein de leur mère morte".
"J'ai été incapable de les protéger", avait dit Octavien Ngenzi, mais "je n'ai pas tué". "Kabarondo à cette époque était un enfer."
Avec AFP