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Discrimination des étudiants noirs : mobilisation dans plusieurs campus américains


Des étudiants protestent à l'université du Missouri, le 9 novembre 2015. (AP Photo/Jeff Roberson)
Des étudiants protestent à l'université du Missouri, le 9 novembre 2015. (AP Photo/Jeff Roberson)

Le mouvement a commencé à l'université du Missouri et s'est étendu à d'autres campus comme Yale ou Ithaca. Objectif : que les étudiants noirs se sentent intégrés et représentés.

Un mouvement de protestation contre l'inaction des dirigeants d'universités face aux discriminations rampantes contre les Noirs s'étend peu à peu sur les campus américains, provoquant une série de démissions et mettant au jour un malaise plus général.

Tout a commencé le 2 novembre, quand un étudiant noir de troisième cycle de l'université de Missouri (centre), Jonathan Butler, a entamé une grève de la faim pour réclamer le départ du président Tim Wolfe.

Soutenu par le collectif "Concerned Student 1950", il voulait que soit sanctionnée l'inaction du dirigeant face à une série d'incidents.

Début septembre, le président du corps étudiant, Payton Head, s'était ainsi plaint d'avoir été traité de "nègre", et fin octobre, une croix gammée a été retrouvée dans les toilettes d'un foyer étudiant.

Tim Wolfe a démissionné, suivi par R. Bowen Loftin, le responsable opérationnel. "Le temps est venu de reconnaître et de s'occuper de nos redoutables défis", a déclaré le nouveau président par intérim, Michael Middleton, qui est noir.

Dans les jours qui ont suivi, plusieurs mouvements sont nés sur d'autres campus, notamment celui de Yale (nord-est), d'Ithaca (nord-est) ou encore de la petite université californienne de Claremont McKenna.

Les réseaux sociaux ont joué un rôle d'accélérateur et une quarantaine d'établissements est désormais concernée, selon le site thedemands.org.

Les scénarios diffèrent, mais les revendications sont sensiblement les mêmes: il faut faire davantage pour que les étudiants noirs et autres minorités se sentent intégrés et représentés.

"Les étudiants sur ce campus (Missouri) disent que cela fait des années qu'ils signalent à l'administration des actes racistes", affirme Carl Dix, porte-parole du parti communiste révolutionnaire, venu soutenir le mouvement sur place. "Les gens ne peuvent plus le supporter", ajoute-t-il.

"Nous avons pris les avancées de la fin des années 60 et du début des années 70 en nous disant un peu trop: mission accomplie", analyse Camille Charles, professeur de sociologie à l'université de Pennsylvanie.

"Le mouvement pour les droits civiques a brisé beaucoup de barrières, mais ce n'est pas suffisant", abonde Jessica Welburn, professeur de sociologie et études afro-américaines à l'université d'Iowa.

"Des discussions désagréables"

La crise se joue sur deux tableaux, celui des autorités, appelées à se saisir du sujet, et celui des étudiants blancs et de leur prise de conscience.

"Il va falloir avoir des dicussions sérieuses et désagréables et procéder à des changements", prévoit Camille Charles.

A Yale, le président Peter Solvey a dévoilé mardi un plan d'ampleur, qui prévoit notamment une formation systématique des dirigeants à la lutte contre les discriminations.

Au-delà des départs de dirigeants, les manifestants espèrent faire disparaître certains comportements étudiants, maladroits ou ouvertement racistes.

"Beaucoup de Blancs, notamment la "génération Y" (née dans les années 80 et 90) ne reçoivent pas d'information et d'éducation anti-raciste, donc ils continuent à discriminer, parfois de façon moins violente que leurs prédécesseurs mais cela n'en fait pas moins des dégâts", considère Joe Feagin, professeur à l'université de Texas A&M.

Nul ne conteste l'existence de discriminations, contre les minorités mais aussi les gays, lesbiennes et transgenres, et la nécessité de s'y attaquer, mais certains s'inquiètent du climat d'intolérance qui s'installe sur certains campus.

Le politiquement correct, historiquement véhiculé par les institutions, serait désormais imposé, selon eux, par les étudiants, au risque de menacer la liberté d'expression, garantie par le premier amendement de la Constitution.

"Je ne suis pas d'accord avec le fait qu'en devenant étudiants, vous soyez couvés et protégés de points de vue différents", a récemment commenté Barack Obama lors d'un entretien à la chaîne ABC.

Des humoristes de premier plan ne veulent plus, par exemple, se produire dans des universités par peur des réactions à certaines plaisanteries.

Certains dirigeants ou anciens dirigeants renommés ont annulé une intervention sur un campus ou leur invitation a été annulée, des étudiants ayant indiqué y être opposés.

"La réaction négative de certains Blancs à propos de la liberté d'expression tient surtout à leur refus de reconnaître que les actes racistes sur les campus demeurent une réalité", objecte Joe Feagin, qui est blanc.

Pour lui, "les gens qui sont prêts à écouter ce que les étudiants ont à dire et sont prêts à engager un vrai dialogue avec eux n'ont rien à craindre" en se rendant sur un campus.

AFP

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