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"Do not resist", documentaire choc sur la militarisation de la police américaine


Manifestation à New York au lendemain du verdict sur l'affaire de la mort de Michael Brown en décembre 2014.
Manifestation à New York au lendemain du verdict sur l'affaire de la mort de Michael Brown en décembre 2014.

Ferguson, août 2014. Face à la foule venue dénoncer la mort d'un jeune Noir, des policiers anti-émeute, fusil d'assaut à la main et, derrière eux, des collègues juchés sur un énorme blindé anti-mine, lance-grenade pointé sur les manifestants.

Les images de cette petite ville du centre des Etats-Unis, qui ouvrent le documentaire "Do not resist", ont choqué l'Amérique et fait prendre au grand public la mesure de la militarisation de la police du pays.

Pour Craig Atkinson, le réalisateur de ce film à charge, "la police est passée d'une mentalité de gardiens de la paix à celle d'une armée d'occupation".

Dans une autre scène de son film, des policiers en treillis noir tirent à feu roulant sur des cibles en carton. Un entraînement à la guerre plutôt qu'au maintien de l'ordre. Un instructeur en tenue kaki explique que les forces de l'ordre doivent se préparer à toutes sortes d'attaques "y compris l'Etat islamique".

- Blindés anti-mine -

De fait, les MRAP, ces lourds véhicules blindés destinés à protéger les troupes des mines et des bombes artisanales plantées le long des routes d'Irak et d'Afghanistan, sont maintenant omniprésents dans les forces de police aux Etats-Unis.

Ces surplus de l'armée sont mis à disposition à la faveur d'un programme de transfert mis en place par le Pentagone.

Le programme, ratifié par le président Bill Clinton en 1996, a ainsi réassigné gratuitement des équipements militaires à travers le pays, pour l'équivalent de 5 milliards de dollars.

Dans une autre scène choc du film, une brigade d'intervention spéciale, ou "SWAT team", arrive en MRAP, dans une petite rue arborée de Columbia, en Caroline du Sud, pour un simple mandat de perquisition dans une affaire de drogue.

Les policiers, dont l'équipement ne les distingue de combattants que par le bandeau "POLICE", n'arrêtent au final qu'un jeune Noir en possession d'une boulette de cannabis.

Craig Atkinson est lui-même fils d'un policier retraité de Detroit (nord) qui a passé plus d'une décennie dans l'une de ces SWAT teams.

"A son époque, son équipe est intervenue 29 fois en 13 ans, maintenant ils font 200 raids par an", souligne le réalisateur, lors d'un entretien avec l'AFP.

D'après le professeur de criminologie de l'université Eastern Kentucky Peter Kraska, il y a aujourd'hui au moins 50.000 raids du SWAT par an, contre 3.000 dans les années 1980.

L'essentiel de leurs interventions n'ont rien à voir avec ce pourquoi ces unités avaient été créées, comme des prises d'otage, des attaques terroristes, des tireurs barricadés, ou la lutte contre les cartels de drogue.

- Conseil en art de tuer -

Pour Craig Atkinson, l'un des artisans de cette culture guerrière est un formateur très populaire auprès des forces de l'ordre, Dave Grossman, à la tête du cabinet de conseil Killology Research Group, ou "Conseil en art de tuer".

"Nous sommes en guerre et vous êtes au front", "avec quoi combattez-vous la violence ? Avec une violence supérieure", harangue Grossman devant un parterre de policiers hypnotisés.

Cet ex-militaire a donné des cours à travers les Etats-Unis et dans une dizaine d'autres pays, d'après son site internet.

Pour Craig Atkinson, tous les policiers américains ont été influencés par sa philosophie.

"Il y a 63 millions d'interactions de la police avec les citoyens chaque année aux Etats-Unis, et si on amène ce genre de mentalité lors d'un simple contrôle routier, c'est comme ça qu'il y a des gens qui se font tuer", insiste-t-il.

Il reconnaît toutefois qu'aux Etats-Unis, pays où il y a environ une arme en circulation par habitant, "il y a des armes dans la plupart des maisons, et donc les policiers qui font une perquisition partent de ce principe".

Lors d'une séquence du film, le directeur du FBI James Comey affirme que la police fédérale "a besoin d'un vaste éventail d'équipement pour se défendre et défendre les citoyens".

Dans un discours dimanche, il mettait aussi en avant que "la pression à laquelle sont soumis les policiers est unique".

L'association de défense des droits civiques ACLU épinglait toutefois dès 2014 la militarisation de la police et demandait "le retour à un style (de maintien de l'ordre) moins dangereux, plus collaboratif".

Avec AFP

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