La veille, il a limogé son ministre de la Justice, Jeff Sessions, faisant craindre une reprise en main de la très sensible enquête russe. Le soir, la Maison Blanche a retiré son accréditation à un journaliste de CNN.
Des décisions controversées qui ont poussé dans la rue des centaines de personnes jeudi soir, devant la Maison Blanche à Washington et à New York.
Brandissant des pancartes "Vous ne pouvez pas limoger la vérité" ou "Trump est un danger pour nous tous", les manifestants ont notamment demandé au Congrès d'intervenir pour "protéger l'enquête (russe)".
Les Etats-Unis sont "au bord de la crise constitutionnelle", a dénoncé plus tôt dans la journée l'opposition démocrate, qui a repris le contrôle de la Chambre des représentants lors des élections de mi-mandat mardi, et semble prête à la contre-offensive.
Fort de cette nouvelle majorité, les démocrates ont en effet brandi la menace d'une enquête parlementaire dès qu'ils prendront leur fonction, en janvier. Dans cette perspective, leurs leaders ont écrit au FBI, à la CIA, au Trésor, entre autres, pour leur demander de conserver tous les documents liés à ce limogeage et à la délicate enquête russe.
Il n'y a ni "crise constitutionnelle", ni "crise politique", a rétorqué la conseillère du président Kellyanne Conway. La Maison Blanche n'a, selon elle, "jamais entravé" l'enquête sur les ingérences russes dans la campagne présidentielle de 2016, dont un volet porte sur des soupçons de collusion entre Moscou et l'équipe du candidat Trump.
Le ministre de la Justice Jeff Sessions s'était récusé en 2017 dans cette enquête --en raison de contacts noués avec l'ambassadeur russe--, ce qui lui avait valu de tomber en disgrâce auprès du président.
Mercredi, il a présenté sa démission "à la demande" de Donald Trump, qui lui reprochait depuis des mois d'être un ministre "très faible", incapable de le protéger.
Le président, dont plusieurs anciens collaborateurs ont été inculpés dans l'enquête russe, dénonce une "chasse aux sorcières" et a régulièrement souhaité la fin des investigations du procureur spécial Robert Mueller.
- "Massacre au ralenti" -
L'intérim au ministère de la Justice est assuré par l'ancien chef de cabinet de Jeff Sessions, Matthew Whitaker, qui, avant d'entrer à son service, avait critiqué l'ampleur de l'enquête russe et son coût.
Au delà des démocrates, certains républicains ont craint que son arrivée ne signifie la fin de l'indépendance pour le procureur Mueller. La sénatrice républicaine Susan Collins a ainsi jugé "impératif que le gouvernement n'entrave pas son enquête".
Le républicain modéré Jeff Flake a lui prévu de demander au Sénat, lors de la reprise de ses travaux la semaine prochaine, de voter une loi garantissant l'indépendance du procureur spécial, déjà adoptée en commission.
"Donald Trump a installé un affidé pour superviser l'enquête russe et franchi une ligne rouge", a également dénoncé l'association progressiste Move On.
Certains commentateurs ont fait le parallèle entre cette éviction et l'ordre donné en 1973 par le président Richard Nixon à son ministre de la Justice de limoger le procureur spécial en charge de l'enquête du Watergate.
Le ministre et son numéro deux avaient préféré démissionner plutôt que s'y plier, mais Nixon était parvenu à ses fins lors du "massacre du samedi soir".
Jake Tapper, journaliste vedette de CNN, a estimé que le départ contraint de Jeff Sessions était une répétition "au ralenti et sur plusieurs mois de ce massacre".
- "Inacceptable" -
La chaîne est très critique envers Donald Trump, qui, en retour, la qualifie souvent de "média bidon" ("Fake News media").
Mercredi soir, la Maison Blanche a suspendu l'accréditation d'un de ses journalistes après une altercation avec Donald Trump en conférence de presse.
Le reporter de CNN Jim Acosta, engagé dans un échange houleux avec le président, avait refusé de rendre le micro à une employée de la Maison Blanche, la touchant légèrement lors de cet échange.
"Nous ne tolèrerons jamais qu'un reporter pose sa main sur une jeune femme", a commenté dans la foulée Sarah Sanders, pour justifier son exclusion.
CNN a apporté son soutien à son journaliste et s'est alarmée d'une "décision sans précédent" qui constitue selon elle "une menace pour notre démocratie".
Une association représentant la presse présidentielle a appelé la Maison Blanche à annuler une sanction "disproportionnée" et "inacceptable".
Avec AFP