Le président américain Donald Trump menace d'ajourner le Congrès parce que les législateurs n'ont pas approuvé les candidats qu'il a proposés aux postes de haut niveau. Parmi eux figure la personne qui devrait occuper la direction de l'agence indépendante qui supervise La Voix de l'Amérique.
"J'ai des pouvoirs très vastes", a déclaré le président Trump mercredi, en se référant à la formulation du deuxième article de la Constitution américaine qui permet à un président "dans des occasions extraordinaires" d'ajourner l'une ou l'autre des chambres du Congrès, ou les deux.
"Le Sénat devrait soit remplir son devoir et voter pour approuver ou non mes candidats, soit il devrait officiellement ajourner afin que je puisse procéder à des nominations intérimaires", a déclaré M. Trump. "Il y a tellement de personnes qui attendent d'entrer au gouvernement. Nous avons besoin d'eux plus que jamais à cause du virus", a-t-il ajouté.
Selon la Constitution américaine, les nominations à un certain nombre de postes au sien de l'administration supérieure doivent être confirmées par un vote majoritaire au Sénat. Toutefois, lorsque le Congrès n'est pas en session, le président peut procéder à une nomination intérimaire, qui expire si le candidat n'a pas été confirmé avant la fin de la plénière suivante.
A ce jour, aucun président américain n'a eu recours aux prérogatives qui permettent de dissoudre le Congrès selon les stipulations de l'article II, alinéa 3 de la Constitution.
"Nous allons le faire. Nous avons besoin de ces gens ici. Nous avons besoin de gens pour gérer cette crise, et nous ne voulons plus jouer à des jeux politiques", a souligné le chef de l'État américain.
Le réalisateur de documentaires Michael Pack, que M. Trump a choisi pour diriger l'agence qui supervise La Voix de l'Amérique, est l'un des 15 candidats clés en attente de confirmation par le Sénat.
Le président américain a également indiqué que ses candidats au poste de directeur du renseignement national, deux membres du conseil de la Réserve fédérale et le sous-secrétaire à l'agriculture chargé d'administrer les programmes de sécurité alimentaire figuraient parmi ceux qui restaient à confirmer. M. Trump a imputé ce retard aux démocrates, accusant le parti d'opposition de "faire un effort concerté pour lui pourrir la vie".
"La pratique actuelle qui permet aux sénateurs quitter la ville tout en menant de fausses sessions pro-forma est un manquement au devoir que le peuple américain ne peut pas se permettre pendant cette crise", a déclaré le président Trump. "Ce qu'ils font, c'est une arnaque et tout le monde le sait".
La nomination de Pack est "bloquée en commission depuis deux ans, ce qui nous empêche de gérer La Voix de l'Amérique - une entité très importante", a déclaré M. Trump. "Ce qui sort de La Voix de l'Amérique ces jours est dégoûtant. Ils racontent des histoires dégoûtantes pour notre pays. Une fois confirmé, Michael Pack fera un excellent travail, mais il attend depuis deux ans", a-t-il précisé.
La VOA réagit
La VOA a rejeté les critiques de M. Trump par la voix d'Amanda Bennett, la directrice actuelle.
"Depuis plus de 75 ans, la VOA poursuit sa mission qui consiste à raconter l'histoire des États-Unis à l'étranger et à apporter des informations objectives et factuelles à des endroits du monde qui n'y ont pas accès autrement. Comme nous l'avons dit depuis longtemps, nous exportons la liberté d'expression conformément au premier amendement de la Constitution des États-Unis", a-t-elle déclaré.
"Je crois en cette mission. Et, à en juger par la façon dont le public se précipite vers nous pour rechercher des informations sur lesquelles ils peuvent compter dans cette crise née du nouveau coronavirus, le monde croit en notre mission. C'est un travail difficile et important, peut-être plus que jamais".
Dans un courriel ultérieur adressé aux employés de la VOA, Mme Bennett a ajouté : "Nous avons beaucoup de travail à faire. C'est un travail difficile et important. Ne nous laissons pas distraire".
Mme Bennett a été nommée à son poste durant le mandat de l'ancien président Barack Obama il y a quatre ans.
Journaliste de carrière et ancienne lauréate du prix Pulitzer, elle est la 29e directrice de l'agence en 75 ans.
La semaine dernière, la Maison Blanche a lancé une attaque contre la VOA, que le New York Times a qualifiée de "bizarre".
La couverture de la Chine en question
Le directeur de la communication sur les réseaux sociaux du président Trump, Dan Scavino Jr, a déclaré que le contribuable américains paie pour la "propagande de la Chine, via La Voix de l'Amérique qui est pourtant financée par le gouvernement américain".
Pour illustrer son propos, il a cité le fait que la VOA a publié sur Twitter une vidéo de l'agence Associated Press qui montrait un spectacle lumineux à Wuhan (Chine) pour marquer la réouverture la semaine dernière de la ville où COVID-19 a été détecté pour la première fois.
Quelques heures plus tard, la Maison Blanche, dans son bulletin numérique "1600 Daily", a accusé la VOA de créer des graphiques "avec les statistiques du gouvernement communiste pour comparer le nombre de décès dus au coronavirus en Chine à celui des États-Unis".
Ce n'est pas le cas.
En fait, la VOA utilise une méthode de l'université Johns Hopkins pour établir le décompte des cas de coronavirus au quotidien.
"La VOA parle trop souvent au nom des adversaires de l'Amérique - et non de ses citoyens", peut-on lire dans sur un compte Twitter de la Maison Blanche.
Pour le quotidien New York Times, "les accusations portées contre la VOA semblent tellement exagérées que certains lecteurs se demandent si des pirates informatiques n'ont pas infiltré la Maison Blanche".