La Haute-commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme, Michelle Bachelet, sévèrement critiquée ces derniers mois pour son attitude envers la Chine, a annoncé lundi à Genève qu'elle ne briguerait pas de second mandat à son poste, très exposé politiquement.
"Alors que mon mandat de Haute-commissaire arrive à son terme, cette 50e session du Conseil sera la dernière à laquelle je m'exprimerai", a dit l'ancienne présidente du Chili, âgée de 70 ans, devant le Conseil des droits de l'Homme des Nations unies.
Mme Bachelet n'a donné aucune explication aux délégués présents dans la salle mais une porte-parole a indiqué qu'elle avait fait ce choix pour des raisons personnelles.
Le secret sur ses intentions avait été jusque-là bien gardé. De nombreux diplomates rencontrés ces dernières semaines par l'AFP avouaient ne pas connaître ses intentions.
Le poste de Haut-commissaire aux droits de l'Homme est généralement confronté à de fortes pressions politiques de la part de pays du monde entier, et bien qu'il puisse être occupé pour un maximum de deux mandats, presque tous ses prédécesseurs ont évité de rester plus d'un mandat.
Michelle Bachelet - la première femme présidente du Chili, victime de la torture, a été nommée Haute-commissaire en 2018 et son style basé sur le dialogue a marqué une claire rupture avec son prédécesseur, le Jordanien Zeid Ra'ad Al Hussein.
"Continuez à chercher le dialogue", a-t-elle lancé au Conseil, avant d'insister : "Soyez prêts à écouter l'autre, à comprendre les points de vus respectifs et à travailler activement à trouver un terrain d'entente."
Epine chinoise
Ces derniers mois, les Etats-Unis mais aussi d'importantes organisations de défense des droits de l'Homme comme Human Rights Watch ou Amnesty International lui ont reproché ce qu'ils perçoivent comme une attitude trop laxiste face aux violations des droits de l'Homme par la Chine.
Les mêmes lui reprochent également de ne pas avoir été plus ferme lors de sa visite dans ce pays, la première d'un Haut-commissaire depuis 2005.
De très nombreux pays lui reprochent de n'avoir toujours pas publié un rapport qui documente la situation des droits de l'Homme au Xinjiang.
Mme Bachelet a indiqué lundi qu'elle le partagerait d'abord avec les autorités chinoises - comme le veut la tradition - avant publication. Elle n'a pas dit quand.
La Haute-commissaire a également souligné que lors de ses échanges avec les responsables chinois, y compris le président Xi Jinping, elle avait bien évoqué le sujet des violations des droits de l’Homme.
"J'ai toujours souligné l'importance du dialogue dans mes interactions avec tous les pays membres y compris sur les sujets les plus difficiles", a-t-elle déclaré, annonçant un accord avec la Chine pour une réunion annuelle de haut-niveau consacrée aux droits de l'Homme.
Détention et torture
Née le 29 septembre 1951 à Santiago, Michelle Bachelet a passé son enfance à sillonner le Chili au gré des mutations de son père, pilote de l'armée de l'air. En 1970, elle entame des études de médecine et entre aux Jeunesses socialistes.
Le 11 septembre 1973, date du coup d'Etat d'Augusto Pinochet, son père, est arrêté. Il mourra six mois plus tard en détention, torturé par ses pairs.
La mort d'Alberto Bachelet marquera à jamais la vie de sa fille, qui voudra toujours se montrer à la hauteur de ce père aimé et admiré.
Elle poursuit ses études de médecine mais en janvier 1975, elle est arrêtée avec sa mère par les services secrets, qui les conduisent au centre de détention de la Villa Grimaldi, où les deux femmes sont torturées.
Elle sera deux fois présidente de son pays.
Après un premier mandat (2006-2010) achevé avec une popularité record, Mme Bachelet n'avait pu immédiatement se représenter, la Constitution interdisant d'exercer deux mandats consécutifs.
Nommée directrice exécutive de l'ONU Femmes, elle avait alors quitté Santiago pour New York.
Elle a ensuite fait un second mandat (2014-2018) à la présidence chilienne au cours duquel elle a bousculé une société réputée très conservatrice par une série de réformes progressistes, dont l'adoption du mariage homosexuel et la dépénalisation de l'avortement, jusque-là interdit.