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Duel au couteau entre deux "ex" pour la présidentielle malgache


Des affiches de campagne devant un bureau de vote à Antananarive, la capitale, le 25 octobre 2013.
Des affiches de campagne devant un bureau de vote à Antananarive, la capitale, le 25 octobre 2013.

Plus de dix millions de Malgaches sont appelés mercredi à élire leur président lors d'un scrutin aux allures de règlement de comptes entre les deux hommes qui écrasent depuis plus de dix ans la vie politique du pays, un des plus pauvres du continent africain.

Accusations de corruption, procès en incompétence, petites phrases assassines, Marc Ravalomanana et Andry Rajoelina se sont rendus coup pour coup pendant deux semaines d'une campagne féroce, marquée du sceau de leurs rancunes personnelles.

Leur passif est très lourd. Élu chef de l'État en 2002, M. Ravalomanana a été contraint à la démission sept ans plus tard par une série de violentes manifestations soutenues par M. Rajoelina. Maire de la capitale Antananarivo, ce dernier avait alors été installé par l'armée à la tête d'une présidence de transition.

Les deux rivaux ont été interdits de candidature pour l'élection de 2013, dans le cadre d'un accord destiné à mettre un terme aux crises à répétition qui ont agité la Grande île depuis son indépendance en 1960.

Cinq ans plus tard, les revoici face à face pour une explication politique finale.

Lors du premier tour le 7 novembre, Andry Rajoelina, 44 ans, a pris un léger avantage en recueillant 39,23% des suffrages, contre 35,35% à Marc Ravalomanana, 69 ans.

L'aura des deux hommes et surtout leurs moyens financiers, apparemment sans limite, ont balayé leurs 34 adversaires. Même le sortant Hery Rajaonarimampianina a été réduit au rang de faire-valoir, crédité d'un score humiliant de 8,82%.

Clientélisme

La place désormais nette, MM. Ravalomanana et Rajoelina ont laissé éclaté leur hostilité personnelle.

A longueur de discours, le premier a traité son rival de "destructeur" et dénoncé ses "provocations et sabotages". "Il est temps pour l'autre de prendre sa retraite et d'aller traire ses vaches", a rétorqué le second.

Pour rallier les maigres troupes de leurs concurrents du premier tour et, surtout, les abstentionnistes - 45,7% - les deux ex-présidents ont quadrillé de plus belle le pays dans leurs hélicoptères rutilants, distribuant sans compter assurances et dons en tous genres dans un clientélisme totalement décomplexé...

Dans le sud du pays en pleine crise alimentaire, des partisans d'Andry Rajoelina n'ont pas hésité à offrir à la population du riz et de l'huile à prix cassés.

"Ce n'est pas pour la propagande, c'est juste pour aider la population", a affirmé à l'AFP Serge, le propriétaire du restaurant de Fort-Dauphin qui hébergeait l'opération. "C'est la concrétisation avant l'heure des promesses du président Rajoelina pour les pauvres".

"C'est très bien de faire ça, les prix sont trop chers au marché", a approuvé Pauline Lalao, 42 ans, une des mères de famille qui se bousculaient devant l'enseigne aux couleurs orange du candidat. "C'est pour ça que je vais voter pour le candidat 13 (Rajoelina)", a-t-elle ajouté, "lui, il comprend nos problèmes".

Marc Ravalomanana n'est pas non plus resté inactif en matière de promesses. Dans un stade d'Antananarivo samedi, il a dévoilé le kit qu'il a décidé d'offrir à tous les écoliers du pays en cas de victoire.

"Enjeux énormes"

"Voici les sacs à dos pour les enfants. Et à l'intérieur il y a un tablier", a-t-il lancé devant des milliers de partisans. "S'ils ont tous les mêmes uniformes, ils pourront bien étudier (...). J'aimerai vos enfants comme les miens".

Succès garanti. "'Dada' (Papa, son surnom) est le seul capable de développer Madagascar", a applaudi Laza Rabaromanana, 34 ans. "Quand il était président, il est le seul qui a réussi à scolariser tous les enfants (...), il sait vraiment tout faire".

Ce duel personnalisé à l'extrême a fait passer au second plan la réalité d'un pays perclus de problèmes. Pauvreté, corruption, insécurité...

Avec ses 25 millions d'habitants, Madagascar reste le seul pays africain qui, sans avoir connu la guerre, s'est appauvri depuis son indépendance. Les trois quarts de la population y vivent avec moins de deux euros par jour, selon la Banque mondiale.

"J'espérais un débat d'idées, j'assiste à un violent duel d'égos", note Sahondra Rabenarivo, de l'Observatoire de la vie politique à Madagascar (Sefafi). "C'est inquiétant car tout est à reconstruire dans ce pays, et ça ne se fera que si les gens travaillent ensemble".

Surtout, cette rivalité exacerbée fait peser le risque d'une nouvelle crise politique.

"Les enjeux sont énormes. Les deux ont beaucoup investi, y compris financièrement, dans ce scrutin", note l'analyste Marcus Schneider, de la fondation Friedrich Ebert. "Si les résultats sont serrés, le perdant pourrait contester les résultats et replonger le pays dans la crise".

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