Qu'est-ce qui les fait courir? Pour beaucoup, la passion et le défi personnel de finir une épreuve de 42,195 km. Mais au décor et à l'ambiance uniques du marathon de New York, de ses ponts et de son final à Central Park, une partie des "runners" ajoutent la satisfaction d'avoir levé des fonds pour la bonne cause.
"Il y a une similarité dans l'effort", assure Alain Bernard, un consultant de 49 ans qui s'aligne pour The Bowery Mission, un groupe de foyers d'accueil de sans-abris new-yorkais. "Quand vous récoltez des fonds, c'est un dollar après l'autre, une connexion après l'autre. Un marathon, c'est une foulée après l'autre, et on se concentre sur la suivante pour être sûr d'avoir assez d'énergie", explique ce Français installé depuis des années dans la mégapole.
Au marathon de New York, où la tradition a commencé à la fin des années 1980, les bonnes causes ne manquent pas. Au-delà des dizaines de fondations pour faire avancer la recherche scientifique contre les cancers, Alzheimer ou l'autisme, un coureur peut aussi lever des fonds pour des associations de quartier ou de défense de l'environnement, pour les vétérans, petits clubs de sport, écoles, églises, etc.
- 45 millions en 2019 -
De la protection des vautours à la lutte contre les erreurs judiciaires, ils seront dimanche environ 6.000 à porter les couleurs d'une des 490 associations invitées, sur quelque 33.000 coureurs au total. Des chiffres en baisse pour permettre plus de "distanciation" en cette première édition post-pandémie, explique Christine Burke, l'une des vice-présidentes de New York Road Runners (NYRR), qui organise la course.
En 2019, 54.000 coureurs avaient pris le départ, dont 12.000 "charity runners" qui avaient permis de lever 45 millions de dollars.
Les frontières américaines ne rouvrant que lundi pour de nombreux pays, l'entrée aux Etats-Unis sera impossible pour des milliers d'amateurs internationaux.
"Nous espérons revenir à la normale l'année prochaine", explique Michelle Williams, capitaine de l'équipe "Run Baby Run", qui alignera cette année seulement trois coureurs, contre dix auparavant, au profit d'une association pour les enfants victimes d'enlèvements et de violences sexuelles.
Cette hôtesse de l'air de 52 ans, qui vit dans l'Arizona, raconte s'être lancée dans l'aventure entre 2010 et 2011, en mémoire de son frère David, victime d'un enlèvement et de sévices sexuels dont il ne s'est jamais remis jusqu'à sa mort à 31 ans, en 2004. Depuis dix ans, "Run Baby Run" a récolté quelque 176.000 euros.
- "Exposition" -
Les petites structures cohabitent avec des poids lourds. L'un des groupes précurseurs, "Team in training", revendique 1,5 milliard de dollars de fonds levés depuis sa fondation en 1988, au profit de la recherche contre les leucémies et les lymphomes. Le marathon de New York a sa propre équipe caritative, "Team for Kids", tournée vers la promotion de l'activité physique.
Le bénéfice n'est pas seulement financier. "C'est un événement ultra public qui nous apporte de l'exposition", assure le président de The Bowery Mission, James Winans. "Les coureurs vont vers leurs amis, leur famille, leurs réseaux" pour récolter des fonds, "ça connecte tout ce monde à ce que nous faisons", ajoute-t-il.
Pour certains coureurs, c'est aussi un moyen de contourner les difficultés, voire l'impossibilité, de s'inscrire à un marathon prestigieux comme New York, Londres ou Boston.
A New York, par exemple, un simple coureur s'inscrit à une loterie -- et paiera son inscription entre 255 et 295 dollars s'il est tiré au sort -- alors qu'il aura un dossard garanti si une association le recrute. Mais ensuite, il faut généralement parvenir à lever au moins 3.000 dollars, ce qui nécessite d'être connecté à un bon réseau de proches généreux, ou fortunés.
"Ce n'est pas une petite somme", confirme Christine Burke. Mais "la plupart des gens sont déjà associés à la cause qu'ils défendent, plus que de +chercher une place+", assure la vice-présidente de NYRR.