Le rêve américain est mort (...) Notre pays a besoin d'un vrai grand leader", assène-t-il lors du lancement de sa candidature, le 16 juin 2015 depuis la Trump Tower à New York. L'annonce est accueillie par des sourires amusés et des haussements d'épaules.
Six mois plus tard, plus personne ne prend "Le Donald" à la légère.
Un nombre croissant d'analystes jugent qu'il pourrait bien remporter la primaire et porter les couleurs du Grand Old Party le 8 novembre face - selon toute vraisemblance - à Hillary Clinton.
"Stratèges" du parti républicain et éminents professeurs de sciences politiques, qui n'avaient pas vu venir l'irruption fracassante du richissime magnat de l'immobilier, se grattent la tête pour essayer de comprendre d'où vient le "Trumpisme".
L'ex-gouverneur du Texas Rick Perry, qui s'est retiré très tôt de la course, l'a décrit comme "un mélange toxique de démagogie, de mesquinerie et d'absurdité". Mais force est de constater, qu'à ce jour, l'étonnant mélange fait merveille en campagne.
Avec sa façon bien à lui d'ajuster le micro du bout des doigts, de lever l'index pour rythmer son discours ou marquer un bon mot, Donald Trump électrise les foules. Il a trouvé un style, un ton.
Se posant en apôtre du bon sens, il vilipende le "politiquement correct" qui serait la source de tous les maux de l'Amérique.
Résolument populiste et provocateur, il parle à une frange de l'Amérique inquiète de son avenir, méfiante vis-à-vis de Washington, en colère avec les élites du parti républicain accusées d'avoir oublié la base et ne pensant qu'à soigner leurs relations avec une poignée de richissimes donateurs.
Sur Twitter, il étrille tous les "loosers" - élus, journalistes, citoyens anonymes - qui mettent en doute l'évidence de sa victoire à venir. Lors des débats, il raille ceux de ses rivaux à la traîne dans les sondages - "Rand Paul ne devrait même pas être sur cette estrade, il est à 1%", lançait-il en septembre.
Des voix s'élèvent pour critiquer son absence de véritable programme ou l'absurdité de certaines de ses propositions ? Il balaie les critiques d'un revers de manche et brandit les sondages comme un étendard. Jour après jour, il répète à l'envie la même phrase: "Excellents chiffres, merci !".
- 'Triomphalisme et superlatifs' -
Mais s'il venait à perdre le premier rendez-vous, le caucus de l'Iowa, le 1er février, comment réagirait-il ? Que deviendrait un discours qui peut se résumer à "Je suis en tête, tout le reste n'est que littérature" ?
"Ni son image ni son égo ne laissent le moindre espace pour une deuxième place", estime le chroniqueur du New York Times Frank Bruni. "Sa course à la présidence est tout entière bâtie sur le triomphalisme, les superlatifs". Une défaite face au premier obstacle de l'Iowa "détruirait le fondement même de sa +marque+".
L'une des forces de Trump réside dans le fait que, contrairement à ses principaux rivaux (à l'exception du neurochirugien Ben Carson), il n'est pas un professionnel de la politique.
A Ted Cruz qui évoquait la possibilité de le prendre comme vice-président lors du dernier débat, il a répondu, sarcastique : "Si cela ne marche pas (pour la présidence), je crois que je retournerai à mes immeubles".
Reste, pour les républicains inquiets d'un troisième mandat démocrate consécutif à la Maison Blanche, une épineuse question : ce candidat inclassable pourrait-il l'emporter face à un démocrate ?
A priori peu probable, répond Nate Silver, gourou américain de la statistique électorale.
"Trump partirait avec un énorme désavantage: la plupart des Américains ne l'aiment tout simplement pas", explique-t-il sur le site FiveThirtyEight qu'il a créé. "Il y a beaucoup de candidats impopulaires cette année, mais Trump est le plus impopulaire de tous".
Selon un récent sondage du Pew Center, 52% des électeurs jugent que Trump ferait un "mauvais" ou un "exécrable" président, de loin le pire score de tous les candidats en lice.
Ces chiffres posent, en creux, la question de l'attitude du milliardaire en cas défaite lors des primaires. Sera-t-il tenté par une candidature en indépendant ? Mettra-t-il tout son poids derrière le candidat républicain ? La question est ouverte. Et ne contribue pas à rassurer un parti républicain en plein désarroi.