Des laïcs du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), aux formations islamistes -dont le Mouvement de la société pour la paix (MSP)-, en passant par le Front des forces socialistes (FFS, gauche), plus vieux parti d'opposition: tous ont fait état auprès de l'AFP de candidatures ou listes invalidées pour des motifs jugés futiles ou fallacieux.
En premier lieu, disent-ils, les préfectures, chargées de réceptionner les dossiers, sont allées au-delà des dispositions du code électoral qui interdit d'être candidat en cas de "condamnation définitive" ayant entraîné une "privation de liberté".
Une soixantaine de candidats de l'alliance islamiste El Binaa-Ennahda-FJD ont ainsi été recalés, "certains pour des amendes impayées", d'autres "pour 'menace sur la sécurité', alors qu'ils ne font l'objet ni de poursuites, ni de condamnation" et avaient tous pu se présenter en mai aux législatives, a déclaré Khelifa Hadjira, un de ses dirigeants.
Amende impayée
"Atteinte" ou "menace à la sécurité de l'Etat" ont aussi été invoquées pour écarter plusieurs candidats jamais été inquiétés par la justice, ont également fait valoir Hassen Ferli, responsable de la communication du FFS, et Yassine Aissiouane, député du RCD.
Ramdane Taazibt, du Parti des travailleurs (PT, extrême-gauche), a pour sa part cité l'exemple d'un candidat, élu municipal depuis 10 ans, écarté de la liste de sa circonscription pour une amende impayée... remontant à 1983.
Ailleurs, un autre candidat PT a été mis hors jeu car son nom figure aussi --contre son gré, clame-t-il-- sur la liste du Front de libération nationale (FLN, au pouvoir).
Ces candidats écartés sont difficile à remplacer, avancent les partis d'opposition qui, faute de volontaires, ont déjà eu du mal à boucler certaines listes.
En outre, accusent-ils, les préfectures ont usé avec zèle d'une disposition de la loi électorale de 2016, appliquée pour la première fois dans des scrutins locaux: elle impose aux listes de partis ayant obtenu moins de 4% des voix aux précédentes élections de recueillir le "parrainage" de 50 électeurs par siège à pourvoir.
Ces formations, dont l'électorat se concentre dans quelques bastions, devaient donc recueillir dans de très nombreuses circonscriptions où leur base est faible de 650 à 2.150 signatures par commune et de 1.750 et 2.750 par département.
Une gageure dans un pays où seuls le FLN du président Abdelaziz Bouteflika et son allié, le Rassemblement national démocratique (RND) du Premier ministre Ahmed Ouyahia, disposent d'une assise et d'un maillage national: lors des locales de 2012, FLN et RND avaient remporté à eux deux la majorité des sièges.
'Partialité' des préfectures
Or, de nombreuses signatures ont été rejetées, entraînant l'invalidation de listes entières, "en raison d'erreurs minimes liées à la transcription de noms de l'arabe vers le français", a dénoncé le chef du MSP, Abdelmadjid Menasra. Ou pour des numéros de carte d'électeurs mal reportés, ou des mentions placées dans la mauvaise case.
Selon Yassine Aissiouane, le RCD a été, pour divers motifs, "balloté jusqu'à épuisement des délais de dépôt entre différents services" administratifs.
Résultat: tous ses partis n'auront des listes que dans moins de la moitié des communes algériennes. Le MSP --le plus représenté avec des candidats dans 47% des communes-- a fustigé la "partialité" des préfectures en faveur des partis au pouvoir.
Abdelwahab Derbal, président de la Haute instance indépendante de surveillance des élections (HIISE), créée en 2016, a lui-même appelé à la mi-octobre l'administration "à faire preuve de discernement", estimant que le rejet de certaines listes ou candidatures "ne s'appuyaient sur aucune base juridique".
Il a aussi regretté que les tribunaux aient "souvent opté pour la facilité en s'alignant sur les décisions administratives".
"L'administration veut contrôler 'ses' élus" qu'elle veut "loyaux", affirme à l'AFP Belkacem Benzenine, chercheur au Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle (CRASC) d'Oran, qui voit dans ces rejets "le signe (...) par excellence du clientélisme" en Algérie.
Enseignant de sciences politiques à l'université d'Alger, Mohamed Hennad estime que "le régime veut être sûr que la plupart des communes lui sont inféodées".
Les partis au pouvoir n'ont pas répondu aux attaques mais annoncé leur participation dans l'ensemble des 1.541 communes et 48 départements du pays.
Avec AFP