Dans de nombreux pays d'Afrique, cependant, ces transferts directs d’argent – généralement effectués à travers les téléphones portables – restent un rêve lointain. Résultat : des centaines de millions de personnes sur le continent se retrouvent sans aide à un moment où elles sont le plus vulnérables.
Selon un rapport publié mardi, seule un peu plus de la moitié de la population des pays en voie de développement a accès aux paiements par voie numérique.
Le rapport, issu du Center for Global Development (CGD), un think-tank basé à Washington, montre que seuls 56% des personnes vivant dans 99 pays en voie de développement ont accès à un téléphone, un compte bancaire et une pièce d'identité. Pourtant, ce sont là les trois éléments généralement requis pour envoyer ou recevoir de l’argent par téléphonie mobile.
"A travers le monde, les gouvernements avancent à toute vitesse pour mettre de l'argent entre les mains de leurs citoyens qui sont sans emploi à cause du coronavirus", note Alan Gelb, chercheur principal au CGD et l'un des auteurs de l'étude. "Mais nous avons constaté que pour que les paiements numériques des gouvernements fonctionnent correctement, les pays doivent avoir en place les bases numériques, à savoir les comptes bancaires, les identifiants et les téléphones. Et beaucoup trop de pays en développement accusent un retard pour s'assurer que leurs citoyens ont accès à ces éléments de base", ajoute-t-il.
D’après des experts du Groupe consultatif du G20 pour aider les pauvres (CGAP), 84 pays ont modifié leurs systèmes d’allocations sociales pour s’adapter à la pandémie. Parmi eux, 58 pays ont intensifié les transferts de fonds vers les populations vulnérables.
Même dans les pays qui ont des systèmes qui marchent, les experts s’inquiètent du sort de certaines couches sociales. "Il faut veiller à ce que la numérisation des paiements n'entraîne pas l'exclusion des populations vulnérables, telles que celles qui n'ont pas accès à la technologie, les personnes âgées, les handicapés et les personnes vivant dans des régions éloignées", avertit CGAP sur un blog.
Et pour cause.
Le rapport du CGD a révélé qu'il existe d'importantes disparités entre hommes et femmes dans l'accès aux téléphones, aux pièces d'identité et en particulier aux comptes bancaires. Dans beaucoup de pays d'Afrique subsaharienne, il est plus facile à un homme qu’à une femme d’obtenir ces trois éléments essentiels.
Le rapport note également que "les pays d'Afrique subsaharienne ont tendance à avoir des taux d'inclusion financière – le pourcentage de la population qui a accès aux services bancaires – relativement élevés, grâce à la vulgarisation de l'argent mobile dans de nombreux pays. Sur ce plan, le Kenya vient en tête, avec une industrie de la finance numérique plus avancée que celles qui existent dans certains des pays beaucoup plus riches".
"La mise en ligne des paiements gouvernementaux présente de nombreux avantages. Cela peut réduire les intermédiaires coûteux et les activités qui font perdre du temps, comme faire la queue pour récupérer un paiement de ration. Les transferts directs par voie numérique peuvent aussi un rempart beaucoup plus rigoureux contre la corruption", souligne Alan Gelb.
Avec l’augmentation des cas de coronavirus en Afrique, de nombreux pays du continent ont annoncé des plans de sauvetage économique qui impliquent, dans certains cas, des transferts d'argent aux ménages. L'ennui, c'est comment s'assurer qu'ils parviennent à tous ceux qui en ont besoin.
Les experts sont formels: les pays d'Afrique qui disposent de systèmes de monnaie mobile bien développés sont mieux placés comme au Ghana, au Kenya, au Sénégal ou encore de l'Ouganda.