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En Égypte, l'invasion de l'Ukraine fait plonger le pouvoir d'achat


En Egypte, où la consommation de pain par habitant atteint 130 kg par an, le premier indicateur de la crise sont les petites galettes.
En Egypte, où la consommation de pain par habitant atteint 130 kg par an, le premier indicateur de la crise sont les petites galettes.

En Égypte, premier importateur de blé russe et ukrainien, on ne parle que d'une chose: le prix du pain. Face à une hausse allant parfois jusqu'à 50%, Le Caire va pour la première fois encadrer le tarif du pain non subventionné.

Le président Abdel Fattah al-Sissi en personne a convoqué mardi les plus hauts responsables en Egypte, où "maintenir un prix abordable pour les denrées de base est le socle de la stabilité du régime depuis 60 ans", explique Michaël Tanchum du Middle East Institute.

Mais le prix du pain n'est pas le seul problème de Chaima Mohammed, habitante d'un quartier modeste du Vieux Caire.

Au début du mois, cette quadragénaire avait fait le plein de courses pour 1.500 livres égyptiennes (87 euros). Aujourd'hui, elle a prévenu ses trois filles: avec une inflation au plus haut et un kilo de riz passé de huit à douze livres, soit de 0,50 à 0,70 euro, il va falloir se serrer la ceinture.

"J'étais dans le même magasin il y a 15 jours, et aujourd'hui, pour le même prix, j'ai la moitié de mon chariot, qu'est-ce qui s'est passé?", s'emporte Mme Mohammed. Ce qui s'est passé, c'est l'invasion de l'Ukraine par la Russie et une flambée inédite des prix des céréales et du pétrole.

L'Egypte, premier importateur de blé du monde, et ses 103 millions d'habitants – dont le tiers vivent sous le seuil de pauvreté – en sont une victime collatérale. Car, en Egypte, 85% du blé et 73% de l'huile de tournesol viennent des deux pays en guerre.

Inflation et consommation "raisonnée"

En Egypte, où la consommation de pain par habitant atteint 130 kg par an – bien au-dessus de la moyenne mondiale –, le premier indicateur de la crise sont les petites galettes.

Ces derniers jours, leur prix est passé d'une livre à 1,25 livre et le kilo de poulet a grimpé de 20 à 35 livres, note Mme Mohammed. Et alors que le ramadan et ses dîners gargantuesques débutent en avril, l'inflation caracole déjà pour la première fois en trois ans à 10%, portée par les prix des aliments en hausse de 20,1%.

A cela, s'ajoute un autre risque, prévient la banque JP Morgan qui anticipe une dévaluation. De quoi raviver de douloureux souvenirs dans le plus peuplé des pays arabes qui avait subi en 2016 une dévaluation de près de 50% dans le cadre d'une austérité décrétée en échange d'un prêt de 10,8 milliards d'euros du Fonds monétaire international (FMI).

Le gouvernement a déjà annoncé avoir rehaussé son budget pour l'achat de blé de 865 millions d'euros. Une mesure qui s'ajoute à des subventions de plus de cinq milliards d'euros pour les denrées de base, dont plus de 57% uniquement pour le pain, qui profitent à plus de 70% des Egyptiens.

En échange, le Premier ministre, Mostafa Madbouli, a exhorté les commerçants à "ne pas exploiter la situation", tout en appelant les Egyptiens à "être raisonnable dans leur consommation pour ne pas forcer (l'Etat) à devoir se tourner vers des marchés mondiaux" où les prix flambent.

Boycotter ou pas?

La crise des prix des aliments est devenue "une menace existentielle pour l'économie égyptienne", explique M. Tanchum.

Chaque jour, la presse fait ses gros titres avec des milliers de tonnes de biens saisies et des dizaines d'intermédiaires déférés devant la justice pour avoir tenté de jouer sur les prix. Réunions ministérielles et discours présidentiels consacrés à ce sujet se multiplient, et mardi, M. Sissi a ordonné "un plafonnement du prix du pain non subventionné pour arrêter sa flambée".

Mais pour Islam Mohammed, responsable marketing d'une entreprise de produits alimentaires importés, les commerçants sont loin d'être seuls responsables de la hausse des prix. "Le coût du transport et du déchargement des cargaisons venant d'Europe par exemple a augmenté de 30% avec la hausse du pétrole" aujourd'hui à près de 100 dollars le baril, explique-t-il à l'AFP: "Cela se répercutera sur les prix à la consommation".

Si le gouvernement ne cesse de répéter que le prix du pain subventionné ne bougera pas, "dans certaines boulangeries, le pain non subventionné est aujourd'hui à une livre et demi", rapporte à l'AFP M. Mohammed.

Dans son quartier cossu du 6-Octobre dans l'ouest du Caire, "il y a aussitôt eu débat et certains ont proposé de boycotter ces boulangeries. Mais les autres ont dit que de toute façon tout est devenu plus cher et que le boycott n'y changerait rien", assure-t-il.

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