Dès la première audience du procès fleuve qui ne devrait s'achever qu'en juin, les avocats de l'infante ont déployé une batterie d'arguments juridiques face à trois magistrates du tribunal de Majorque, tentant de faire annuler les poursuites visant la princesse.
En attendant que cette question soit tranchée, l'infante de 50 ans a dû prendre place - comme n'importe quel autre citoyen - dans une salle d'audience dominée par le portrait de son frère, Felipe VI, à la tête du royaume depuis l'abdication de leur père Juan Carlos en 2014.
Vêtue d'un simple tailleur pantalon noir, l'air grave, la princesse est bien malgré elle la vedette du "procès de l'année", au côté de son époux, Iñaki Urdangarin, principal des 18 prévenus.
"Ce procès est plus excitant qu'aucun autre", assurait Jesús López, retraité de 71 ans venu assister à la première audience dans un centre de formation spécialement aménagé pour accueillir la foule de journalistes du monde entier assistant au procès, et entouré d'un dispositif de sécurité exceptionnel.
"Personne n'osera mettre en prison la princesse Cristina", tranchait de son côté Francisco Solana, 45 ans, l'un des rares citoyens manifestant à l'extérieur, aux cris de "L'Espagne, demain, sera républicaine!".
Seconde fille de Juan Carlos Ier et Sofia, Cristina est soupçonnée d'avoir dissimulé au fisc des revenus provenant des détournements de 6 millions d'euros de fonds publics reprochés à son époux et à un ex-associé de celui-ci. Le juge d'instruction avait tenté de démontrer qu'elle en était partie prenante mais le procureur s'est opposé aux poursuites. Elle n'est finalement jugée que pour fraude fiscale.
L'infante a toujours soutenu qu'elle ne savait rien et faisait une confiance aveugle à son époux Iñaki, ancien handballeur professionnel et double médaillé olympique, épousé à Barcelone en 1997 quand la popularité de la monarchie était au plus haut.
Réputée très amoureuse du père de ses quatre enfants, Cristina a refusé de divorcer en dépit des pressions exercées par la Maison royale, qui aurait voulu limiter les effets toxiques de l'affaire pour la monarchie. Exclu de toutes les activités officielles au palais, le couple vit depuis 2013 à Genève.
M. Urdangarin, 47 ans, et son ex-associé Diego Torres sont notamment accusés d'avoir surévalué les contrats signés entre 2004 et 2006 par l'institut Noos - fondation à but non lucratif dédiée à l'organisation d'événements sportifs qu'ils dirigeaient - avec les gouvernements régionaux des Baléares et de Valence. Selon l'accusation, les bénéfices étaient répartis entre plusieurs sociétés écran dont Aizoon, propriété de Cristina et d'Iñaki, qui aurait financé des dépenses personnelles de leur famille, pour des fêtes, des voyages, des travaux ou des cours de danse...
Demande de nullité
M. Urdangarin est jugé pour détournement de fonds, fraude fiscale, trafic d'influence, escroquerie et blanchiment d'argent, et encourt jusqu'à 19 ans et demi de prison.
Concernant Cristina, seule l'association Manos Limpias (Mains propres, d'extrême droite), représente l'accusation publique. Elle demande huit ans de prison pour l'infante.
La défense de la princesse joue là-dessus pour plaider le non-lieu, soulignant que ni le parquet ni un avocat représentant l'Etat n'ont réclamé de poursuites au nom du Trésor public, présumée victime.
"Nous demandons respectueusement (...) la nullité de l'acte de l'accusation concernant Cristina de Bourbon", a déclaré un de ses avocats, Jesús María Silva, invoquant notamment la "jurisprudence Botin": en 2007, la Cour suprême avait validé un non-lieu en faveur du puissant banquier Emilio Botin, estimant qu'il ne pouvait être jugé car ni le parquet ni les parties lésées n'avaient déclenché de poursuites.
Le procureur puis l'avocate du Trésor public ont abondé dans son sens. Mais l'avocate de Manos Limpias, Virginia López Negrete, a défendu "l'accusation populaire", une procédure "parfaite pour la lutte contre la corruption et contre les élites" dans un pays écoeuré par la multiplication des scandales en temps de crise.
Dimanche, l'ancien associé du beau-frère du roi, Diego Torres, avait réaffirmé dans une interview télévisée que Juan Carlos Ier était au courant des affaires de Noos: la Maison royale révisait "ce que nous faisions, ils nous guidaient, nous avons toujours agi de bonne foi", avait-il soutenu.
Avec AFP