C'est une "étape majeure pour faire progresser les droits des femmes", a réagi l'ONU femmes en Libye. Un "moment historique pour les femmes libyennes", a renchérit l'ambassadeur américain, Richard Norland.
Issu d'un processus onusien, ce nouvel exécutif aura pour tâche première de sortir ce pays d'Afrique du Nord d'une décennie de chaos et de divisions, en le menant jusqu'à des élections nationales en décembre.
Mais avec cinq femmes parmi ses 26 ministres et six ministres d'Etat, il marque aussi une avancée, relative, sur la question de genre.
Najla al-Mangoush, une activiste originaire de Benghazi (est), a ainsi été nommée à la tête des Affaires étrangères. Cette avocate de formation s'était déjà fait connaître en 2011 en faisant partie du Conseil national de transition (CNT), organe officiel de la révolution de 2011 ayant chassé du pouvoir le colonel Mouammar Kadhafi.
Mabrouka Touki, une universitaire du Fezzan (sud) diplômée en physique nucléaire, chapeautera la Culture, tandis que la juriste Halima Ibrahim Abderrahmane, originaire de Gharyan (ouest), a hérité du portefeuille de la Justice.
Wafa Al-Kilani et Houria al-Tormal se retrouvent à la tête des Affaires sociales et des Affaires de la femme.
Pourquoi parler d'avancée?
Si elles ont joué un rôle crucial durant la révolte de 2011, les femmes libyennes ont peu à peu été écartées du processus de transition, avec une présence timide dans les instances transitoires et le Parlement.
L'ancien Gouvernement d'union nationale (GNA) de Fayez al-Sarraj, installé en 2016 dans l'ouest de la Libye, comptait deux femmes sur une trentaine de portefeuilles. Celui de l'est, non reconnu par la communauté internationale, une seule.
"30% comme début"
Sur les réseaux sociaux, la présence remarquée des femmes dans le gouvernement de l'homme d'affaires Abdelhamid Dbeibah est saluée comme "un grand pas", un "bond pour la société" et un "début prometteur".
Mais les réactions sont nettement plus contrastées chez des militantes, qui arguent que le nouvel exécutif devait faire plus. C'est le cas de Ghalia Sassi, présidente de l'association "Ma'aha" (avec elle).
"Nous sommes fières de voir des Libyennes nommées à des postes de souveraineté, mais aussi mécontentes que le Premier ministre ait failli à son engagement de réserver 30% des postes aux femmes", dit-elle.
Si M. Dbeibah s'était engagé à respecter ce seuil durant sa campagne, elles ne sont finalement que 15% dans son exécutif.
"Nous ferons pression sur le gouvernement pour qu'il rectifie" le tir et "veillerons à ce que les femmes obtiennent plus de postes dans tous les secteurs où elles sont absentes", promet Ghalia Sassi, rappelant le "long chemin qui reste à parcourir".
Laila Ben Khalifa, une militante à l'origine de la campagne "30% comme début", regrette en outre des nominations selon des critères de "répartition régionale" et non "sur les compétences".
Exactions
Si l'insécurité et les conflits à répétition depuis 2011 ont profondément affecté le quotidien des Libyennes, le plus préoccupant reste les exactions commises contre les défenseures des droits humains.
En novembre, l'avocate et militante Hanane al-Barassi avait été abattue en plein jour à Benghazi (est), "apparemment pour des raisons politiques", selon l'ONG Human Rights Watch (HRW).
Une affaire illustrant "les menaces auxquelles sont confrontées les femmes libyennes lorsqu'elles osent s'exprimer", selon l'ONU.
Presque deux ans plus tôt, la parlementaire Siham Sergewa avait été enlevée par un groupe armé, là encore à Benghazi, après avoir critiqué l'offensive lancée en 2019 sur Tripoli par l'homme fort de l'Est à l'époque, le maréchal Khalifa Haftar. Elle n'est jamais réapparue.
Mardi, le débat s'est invité au Conseil des droits de l'homme de l'ONU: le Royaume-Uni a exhorté le gouvernement libyen à "œuvrer en faveur de la participation pleine, égale et significative des femmes". Elles sont "sous-représentées dans toutes les institutions et processus de gouvernance et affectées de manière disproportionnée par le conflit", a-t-il souligné.