Ce sexagénaire fonctionnaire de la compagnie nationale d'électricité a réussi à préserver des destructions ce site classé au patrimoine mondial de l'Humanité par l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco).
Né à Leptis Magna, l'empereur Septime Sévère, qui régna de 193 à 211, en avait fait une des plus belles villes de l'Empire romain, selon l'Unesco.
Il la dota de monuments splendides, comme la grande basilique sévérienne, qui s'élevait à plus d'une trentaine de mètres et rénova les thermes construits sous le règne d'Hadrien (76-138), dont les lanternes ou la piscine à ciel ouvert sont aujourd'hui quasi-intactes.
Quand son pays plonge dans le chaos après la chute du régime Khadafi, Ali Hribish, qui n'avait pourtant aucun lien professionnel avec la protection du patrimoine, décide de tout faire pour préserver ce joyau historique près de chez lui.
Face à un Etat défaillant, il crée une brigade de volontaires. Aujourd'hui, une vingtaine de jeunes, kalachnikovs en bandoulière, l'entourent.
Ils se préparent à effectuer une de leurs patrouilles routinières autour des principaux monuments érigés sur une cinquantaine d'hectares: l'hippodrome, la basilique ou encore le théâtre qui peut encore accueillir 15.000 spectateurs sur ses gradins en arc de cercle offrant une vue sublime sur la Méditerranée.
Peur du vandalisme
Si la menace jihadiste est toujours persistante en Libye malgré la reprise début décembre de la ville de Syrte au groupe Etat islamique (EI), "nous craignons beaucoup plus les pillages et les actes de vandalisme", explique à l'AFP M. Hribish qui dit connaître "chaque pierre du site".
Après la destruction par l'EI de monuments historiques en Irak et en Syrie, dont la cité antique de Palmyre, l'Unesco a déclaré en péril cinq sites libyens, notamment Leptis Magna.
"Nous avons été consternés", avoue M. Hribish. Contrairement à d'autres sites archéologiques en Libye, "Leptis Magna a été protégée des actes de pillage et nous continuons à surveiller".
"Nous ne permettrons pas à l'EI ou quiconque d'y toucher", martèle-t-il.
En 2015, ses hommes ont découvert et désamorcé une bombe de plusieurs kilos dans un café près du site. Mais il écarte la thèse jihadiste dans un pays marquée également par des luttes entre milices rivales.
Il rappelle que dans l'est de la Libye, ce sont des habitants qui ont détruit à coups de pelleteuse une partie du site de Cyrène, prestigieuse cité de l'époque hellénique, pour construire des maisons en se disant propriétaires des terrains.
"Nous avons empêché de tels actes ici", affirme M. Hribish. Il se targue notamment d'avoir fait échouer un projet de construire, sans autorisation officielle, une série de commerces à proximité immédiate des précieux vestiges.
Il se souvient "qu'au début, on croyait que la mission allait être de courte durée. Nous attendions la construction d'un Etat capable d'assurer la protection des sites archéologiques dans le pays".
Moyens rudimentaires
Mais la Libye est plongée dans le chaos depuis cinq ans déchirée entre des autorités et des milices se disputant le pouvoir et incapables de restaurer la sécurité.
"Nous allons poursuivre notre mission jusqu'à la construction d'un vrai Etat", promet M. Hribish qui voit comme sortie du chaos la restauration de la monarchie constitutionnelle renversée par le coup d'Etat de Mouammar Kadhafi en 1969.
D'autres habitants de la ville de Khoms, proche du site, se sont aussi mobilisés au fil des ans pour protéger les bâtiments des administrations et les banques des actes de vandalisme et pillage.
"De notre côté, nous avons pensé tout de suite à Leptis Magna", après la chute de Kadhafi, se rappelle Achraf Mohamed, 33 ans, un des premiers à rejoindre le groupe d'Ali Hribish.
"Une banque, ça se reconstruit, mais nos monuments et notre Histoire nous ne pouvons pas les remplacer", explique-t-il.
Achraf et ses compagnons se plaignent toutefois de défendre le site avec "des moyens rudimentaires".
"Il n'y a ni caméras de surveillance, ni clôture pour protéger le site, ni même d'extincteurs", déplore Ali Ghazi, 26 ans.
Ce jeune chômeur raconte leur "galère" pour éteindre des "petits" incendies durant l'été à cause de l'herbe desséchée: "Certains éteignaient le feu à coups de bâtons, d'autres emmenaient des seaux d'eau de mer".
"La cité a besoin de travaux de restauration, notamment à cause de l'érosion. Nous avons alerté le département des Antiquités, en vain", regrette de son côté Walid Abou Hamid, 33 ans.
"Kadhafi a marginalisé notre Histoire et notre patrimoine durant plus de 40 ans. Il est temps qu'on s'en occupe et qu'on le montre au monde entier".
Avec AFP